Le contexte :
Je commence la série d’articles consacrés aux livres de la rentrée littéraire avec un premier coup de cœur.
Si c’est un premier coup de cœur, l’autrice, elle, je la connais, je l’ai déjà lue. Je l’ai découvert avec un titre que je ne parviens pas à oublier malgré les années : Par amour.
Il s’agit de Valerie Tong Cuong avec son nouveau roman : Un tesson d’éternité
J’ai lu son nom dans le catalogue de la rentrée littéraire de JC Lattès, je ne me suis pas posé de question, je n’ai pas lu la 4e de couverture pour découvrir par moi-même. Qu’est-ce qui peut bien se cacher derrière ce titre et cette image d’une jeune fille retenant son souffle dans une piscine. Maintenant je peux dire que la couverture prend tout son sens autant que le titre parfaitement choisi.
J’étais autant intriguée que craintive, car quand on lit un nouveau roman d’une autrice qu’on adore il y a toujours la peur que cette fois cela ne fonctionne pas.
Avant d’aller plus loin, je peux te dire que j’avais tort d’avoir peur : j’ai adoré ma lecture.
De quoi ça parle ?
PRÉSENTATION DE L’ÉDITEUR :
Anna Gauthier mène une existence à l’abri des tourments entre sa pharmacie, sa villa surplombant la mer et sa famille soudée.
Dans un climat social inflammable, un incident survient et son fils Léo, lycéen sans histoire, se retrouve aux prises avec la justice. Anna assiste impuissante à l’écroulement de son monde, bâti brique après brique, après avoir mesuré chacun de ses actes pour en garder le contrôle.
Qu’advient-il lorsqu’un grain de sable vient enrayer la machine et fait voler en éclats les apparences le temps d’un été ?
Avant mon avis, un ressenti :
Que j’aime cette autrice pour sa facilité à te happer dès la première page.
Je ne sais pas à quoi cela est dû, mais j’éprouve ce sentiment à la lecture de chacun de ses romans.
D’emblée, je suis avec ses personnages, dans leur vie. À leur côté.
Ici, j’étais avec Anna dans la pharmacie où elle travaille.
Dans la quiétude d’une petite ville enfouie dans la pinède.
Une brise agite les oliviers, les lauriers roses et les lavandes violettes.
Les arbres qu’Anna observe le soir, les odeurs qu’elle respire pour chasser les contrariétés de sa journée. Je les sentais, je les voyais. J’étais assise avec elle à profiter de la quiétude qu’offre la nature.
Tu sens leur parfum. Tu admires le paysage.
Tu y es.
Je suis certaine que toi aussi, cela te fera cet effet.
Mon avis :
L’avenir de Léo, le fils d’Anna, semble tracé.
Il a 18 ans, il est sur le point de passer son bac et il intègrera ensuite une école spécialisée dans le numérique.
Un secteur où l’emploi semble sécurisé.
Il sera à l’abri des désillusions comme celle que son père, Hugues, le journaliste de la gazette locale a vécue.
Un licenciement. 3 mois sans travail.
Hugues que tout le monde connaît. Hugues l’homme influent est devenu un chômeur embarrassant.
Les salutations sont moins cordiales, de loin comme si c’était contagieux.
Une tare.
Triste constat de notre société, mais tellement véridique.
Et il y a CE matin, le jour se lève à peine.
La gendarmerie nationale est à leur porte.
Léo est emmené. Menotté.
Ce n’est pas possible. C’est une erreur. Ils ne connaissent pas Léo comme Anna le connaît.
C’est une mère. C’est une louve.
Le son des sirènes s’en va laissant le chant des cigales reprendre.
Hugues et Anna sont là, debout sur le bord de la route. Statufiés.
Que vient-il de se passer ?
C’est un cauchemar. Un mauvais rêve. Tout ça ne peut pas être réel.
Léo n’a rien pu faire.
Comment imaginer le contraire ?
Ils sont au bord d’un précipice, mais ils n’en voient pas la dimension.
Ils comprennent à peine qu’ils n’ont plus aucun contrôle sur les événements.
Anna:
Anna a élevé de solides remparts entre son ancienne vie et l’actuelle.
Pourquoi ? On ne le sait pas.
Elle s’est complètement affranchie de son passé depuis le décès de sa mère.
Ce passé on perçoit son poids entre les lignes.
Il est toujours là même si elle dit s’en être libérée.
Les 11 années suivantes, il y a eu des accrocs, des incidents communs à la trajectoire de la vie courante, mais surtout du bonheur rien qui n’a pu arrêter cette pente ascendante vers le bonheur, la satisfaction d’obtenir enfin la vie toujours voulue.
11 années et 6 mois, jusqu’à ce week-end de mai 2019.
Anna est efficace.
Elle gère tout.
La maison. Les factures. Le travail.
De la déclaration du revenu au rendez-vous du plombier.
Cela ne la gêne pas.
Elle possède sa belle villa sur les hauteurs.
Sur cette colline, elle se sent à l’abri de tout et de tous.
Sa famille est solide.
Elle peut s’appuyer sur sa réputation dans le village et sur sa respectabilité.
Anna va tenir son rôle. Assumer. Faire face. Retrouver sa maîtrise. Remplir sa mission.
Léo. C’est lui sa mission.
C’est elle qui résout les problèmes, détient les informations, contourne les difficultés, débusque les réponses.
La lumière va revenir chasser l’obscurité qui s’est immiscée dans leur vie parfaite.
Elle répète son amour inépuisable, infini, elle est déterminée.
Prête pour le combat à mener.
25 ans qu’elle s’est libérés de ses chaînes. Elle a réussi, mais elle est toujours méfiante, vigilante.
Elle tempère les enthousiasmes et résiste aux tentations.
« Ses interlocuteurs n’aimaient pas qu’elle se taise. Ils ont cogné de toutes les manières possibles pour faire sortir un son. Ceux qui ne pouvaient pas user de leurs mains, de leurs pieds, ou d’autres parties de leurs corps ont usé de leurs mots. Certains étaient très doués. Rien n’y a fait. Anna s’est glissée hors d’elle-même, et une autre Anna s’est invitée à sa place. »
Les thèmes :
Valerie Tong Cuong par et en plus de son intrigue explore la société et le monde du travail.
Les manifestations de plus en plus nombreuses, le harcèlement scolaire. Tout le climat social actuel.
Elle aborde aussi les questions de classe et de genre.
La rumeur qui se répand.
Valérie Tong Cuong montre les signaux précurseurs d’un monde en perpétuelle mutation.
Elle soulève aussi la question du poids de l’apparence dans le contrat social.
Les différences entre les classes sociales.
Les stigmates de l’enfance puis de l’adolescence.
Les codes de la société ce qui est admis, toléré. Tabou.
L’ordre du monde et la place attribuée à chacun, la hiérarchie dans les relations.
Tous les thèmes sont amenés au bon moment.
Tous sont traités avec justesse et délicatesse.
« Elle pense aux efforts qu’elle a accomplis, aux contreforts qu’elle a bâtis, aux cartes truquées que distribue la vie »
L’écriture
Ce qui m’a le plus frappé, et c’est, je pense, pour moi ce qui me plaît autant chez Valérie Tong Cuong c’est que son écriture suit le caractère de son personnage principal.
Nerveuse, agitée, sobre, puis incisive, tu te prends de plein fouet chaque émotion vécue par Anna.
Anna d’aujourd’hui. Anna avant. Tu vas la suivre, lire les flots tranquilles et les lames de fond qui vont te renverser, te laminer.
Certains chapitres sont des torrents de mots sur des maux qui m’ont étreint le cœur.
Noyées par le chagrin
Tu ne les verras pas arriver.
Ces images gravées sur ta rétine n’en sont que plus fortes.
Intenses.
Bouleversantes.
En bref :
Tu dois te demander de quoi je parle, car tu ne sais pas ce qui est arrivé à Léo et je vais encore plus te troubler en te disant que si l’intrigue tourne autour de lui, le thème principal c’est Anna.
Un portrait de femme, d’épouse et de mère saisissant d’intensité. Fort. Troublant.
Je n’ai rien vu venir.
Je me suis laissée porter par Valérie Tong Cuong, car je suis en confiance avec elle.
Je sais que tout prendra sens, je sais qu’elle va me remuer, me secouer, mais je sais aussi que je vais ressentir toute la puissance de son écriture.
Toutes ces vérités assénées sans que tu ne les devines en commençant ce roman.
Les pages 64 et 65 !
Double page de peu de mots, mais dont tu comprends l’ampleur !
Les conséquences des mots.
Le poids des mots.
Dans ce roman, il est question de victime, de sentences, de bourreau, de condamnés et de condamnation, mais absolument pas celle à laquelle tu crois.
Dans ce récit, Valerie Tong Cuong te parle de la puissance des apparences, de la force des masques et des rôles que l’on se donne jusqu’à ce que les masques tombent, car ils ne peuvent plus tenir.
À travers un portrait de femme foudroyant d’intensité et d’émotion
Un tesson d’éternité remonte le fil de la vie d’Anna et interroge en un souffle la part emmurée d’une enfance sacrifiée qui ne devait jamais rejaillir.
Un treizième roman captivant. Valerie Tong Cuong m’a confirmé que toujours je voulais la lire pour sa faculté à dynamiter les apparences.
À te mettre une claque retentissante.
Tu sais qu’elle va arriver, mais pas d’où ni comment ?
Un roman implacable sur une construction sociale qui s’effondre, une réflexion fascinante sur les racines du mal.
Coup de cœur.
Je le conseille :
Je le conseille aux lecteurs déjà acquis de Valérie Tong Cuong
Je le conseille à toutes les mères. À toutes les femmes.
Je le conseille à toutes les personnes dont ces thèmes parlent : la mémoire et les souvenirs que l’on porte comme un fardeau. La famille. L’héritage familial dont onvoudrait pouvoir trancher et arrêter de le porter pour une éternité.
Si tu aimes les écritures tout en finesse, incisives quand il le faut, percutantes. Si tu veux être bousculé par ce que tu lis. Si tu aimes les fins impossibles à deviner. Si tu veux être en apnée comme la couverture.
Pour aller plus loin :
Le site de Valérie Tong Cuong : clique ici
✩ Un tesson d’éternité ⟷ Valérie Tong Cuong ⟷ 300 pages ⟷ Éditions JC Lattès, le 18 août 2021 ✩
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meslivresdepoche dit
Je ne connaissais pas l’auteure mais ton retour m’intrigue, j’aime beaucoup quand l’auteure nous imprègne des odeurs, pour nous plonger dans le récit, il a l’air riche et aborde des sujets forts. Je me le note, je ne connaissais pas Par Amour non plus !