Matière noire de Ivan Zinberg

Quel excellent polar que je viens de terminer !
Je ne connaissais pas du tout l’auteur avant de recevoir le livre des éditions Cosmopolis.
Erreur que je vais m’empresser de corriger, car j’ai été plus que ravie de lire ce roman noir.
Excellent dans le fond et dans la forme.
Un vrai polar.

On a deux hommes.
Karim Bekkouche, chef de la BAC à Saint-Étienne, surnommé Bec par ses collègues, il enquête sur la disparition d’une jeune fille, Ines Baroui. Sa mère, ancienne connaissance de Bek s’inquiète malgré le comportement sa fille qui a l’habitude de fuguer.
Tellement l’habitude, et tout juste majeure que les plaintes déposées jusqu’ici n’ont pas été entendue.
Elle se tourne alors vers Karim, la seule personne qui pourrait peut-être l’aider.

Ensuite, on a Jacques Canovas, retraité de la RG, il travaille maintenant comme enquêteur/journaliste chez crime hebdo à Paris.
Il est envoyé par son patron pour enquêter sur la disparition d’une joggeuse, Marion Testud, en Savoie.

Ces 2 hommes, Ivan Zinberg, va les présenter tour à tour, tout en nous faisant avancer dans les 2 enquêtes.
Il va te dresser un tableau des personnages et des lieux.

Une écriture qui se veut très immersive et visuelle, quasiment cinématographique.
Yvan Zinberg prend le temps de te décrire finement leur psychologie.

Au-delà de la passion pour leur métier, ces deux hommes cachent des failles.
Deux protagonistes très charismatiques que j’ai adorés.
Tout comme les autres intervenants.
Les interpellations, les enquêtes, sont détaillées, tout se joue devant toi.
Tu es tantôt à côté de Bek, tantôt à côté de Jacques.

L’alternance des deux personnages aurait pu me perdre à un moment, j’aurais pu plus m’intéresser à la disparition de Marion ou à celle d’Ines, mais pas du tout.
En nous présentant des personnages humains, dans la société telle qu’elle est, m’a de suite donné envie de poursuivre.
On lit la difficulté des enquêtes de terrain, la misère humaine qui rôde dans les cités, les déviances, mais il y a aussi dans ces lignes un réel message d’espoir pour ces jeunes en perdition.

Je me doutais, plus les pages avançaient, que nos deux personnages allaient se croiser à un moment ou un autre.
Quand ils sont à deux, cela marche encore plus.
La tension monte d’un cran, l’addiction à la lecture aussi.

Ne t’attends pas à un rythme trépident, ce n’est pas le cas, mais la précision des faits, des avancées ou non dans les enquêtes font toute la différence.
Il te faudra attendre de passer 300 pages pour avoir un nom et la rencontre entre nos deux héros. Ivan Zinberg rend son roman addictif par la présentation de ses personnages, des lieux, des enquêtes. Tu es complètement inséré dans le récit. Plus rien n’existe autour de toi, tu es aux côtés de Bek et de Jacques.

Deux héros sans cap ni épées, deux héros parfaits d’être imparfaits.
Ils traînent des casseroles, ils sont blessés par la vie.
Ce sont ces meurtrissures qui font qu’ils se lancent corps et âme dans les affaires suivant leur instinct.
Un instinct que Bek ou Jacques refuse d’abandonner même quand ils sont hors des clous.

J’ai adoré la construction de ce polar, les enquêtes qui à un moment vont se rejoindre.

Ces deux hommes que j’espère retrouver dans un autre roman et puis ce tueur qui m’a glacé le sang.
Quand il intervient dans des chapitres où il se fait narrateur, tu vas comprendre qu’il y a matière à enquêter et que cela sera noir.
Bien noire.
Noir comme la nuit.

En bref :

On sent dans ce roman le souci du détail, le récit d’un homme qui a été confronté à ce qu’il raconte.
Ivan Zinberg sait de quoi il parle et cela se ressent.
Il te montre aussi, et je l’ai beaucoup apprécié, que ces policiers ont eux aussi une âme. À l’heure où l’on entend, autant de critiques, je pense que cela ne peut pas faire de mal.

L’auteur nous rappelle aussi nombre d’affaires, résolues ou non ; des faits divers, des films ou séries, des polars américains, dont un que j’ai envie de lire rapidement (« Nécropolis » de Herbert Lieberman).
Tout est fait pour être ancré dans la société actuelle.
Deux enquêtes méthodiques avec des personnages ultras bien travaillés qui te poussent à tourner chaque page sans interruption.

C’est précis et humain, les rebondissements arrivent à point nommé, jusqu’à la dernière ligne Ivan Zinberg m’a tenu en haleine.
J’adorerais que ce livre soit adapté à l’écran.
Bek et Jacques sont devenus réels pour moi. Deux personnages inoubliables, admirablement construits, qui ont du poids, du coffre de la densité.

Mentions supplémentaires :
je suis belge, je ne connais donc pas les lieux décrits et pourtant je me suis retrouvée transportée à Saint-Étienne ou en Haute-Savoie.
Un sacré talent d’immersion qui n’est pas donné à tous les auteurs surtout quand c’est aussi réaliste que ça l’est.

Depuis le début des éditions Cosmopolis je n’ai eu aucune déception, vivement le prochain !
Je te spolie là, car j’en ai un autre qui m’attend : Miracle de Solene Bakowski. Je t’en parle très vite. 🙂

✩ Matière noire  ⟷ Ivan Zinvberg ⟷ 462 pages ⟷ Cosmopolis Édition, le 7 novembre 2019 ✩