Une mère toxique, une sœur disparue.
1 pendue et une autre, 9 ans plus tard.
29 décembre, 9 années d’intervalle ; 2 jeunes filles du même âge exsangue à peu près au même endroit.
Une île au large de Stockholm.
C’est le décor du dernier roman de Johana Gustawsson
La famille Gussman, dont l’héroïne doit expertiser les collections, est la quatrième fortune de Suède.
Seulement pour expertiser ces pièces et accomplir sa mission. Elle va devoir se rendre à Storholmen.
Au manoir. Là où elle a été retrouvée. Celle que l’on appelle « la pendue ».
Qui est ce « elle » ?
Pourquoi Emma craint de se rendre sur place ? C’est l’intrigue, en tout cas en partie, de ce nouveau roman de Johana Gustawsson.
Tu vas ressentir l’étreinte des fantômes de l’île comme Emma le perçoit en débarquant.
Tu ressentiras la présence écrasante du manoir, grandiose sur cette petite île.
« Ah on se plaint, on se plaint des nuits sans sommeil, quand ils sont petits, mais lorsque les monstres qui les hantent deviennent réels, c’est nous qui les faisons, les cauchemars. »
Emma a une relation compliquée avec cette île qui la terrifie, pourtant elle a une forte emprise sur elle, comme si elle était ensorcelée.
Une héroïne qui porte un poids sur ses épaules et qui tait bien des choses.
Des fissures et des blessures, des traumatismes qui pèsent.
Tu l’apprends assez rapidement.
Cela en fait une héroïne attachante, d’emblée je l’ai aimée.
Johana, outre son intrigue, va te parler de l’histoire et de l’architecture de Stockholm.
De la mythologie et des fêtes nordiques, ces sujets m’ont passionné.
Tu entendras même parler de Séraphine, de Senlis et de Camille Claudel.
Un manoir qui va fêter son centenaire et un silence impénétrable et intimidant quasiment durant tout le roman.
Tu perçois quelque chose de sombre, de mal, de mauvais, qui rôde sur cette île, mais quoi ? Qui ?
D’où vient cette impression ?
« La présence de l’île me rappelle qu’il n’y a pas que ma douleur qui compte. Que mon devoir, et c’est la moindre des choses, consiste à apaiser celle des oublies : ceux qui restent, paralysés par les souvenirs et l’absence. La moindre des choses est de leur apporter des réponses. De les aider à clore un chapitre de leur existence. »
Ces mots sont ceux de Karl, le policier, endeuillé.
Il va enquêter sur la « nouvelle » pendue comme il l’a fait 9 ans auparavant.
Pendant que tu tournes les pages tu sens la neige qui craque sous tes pieds et le roulis des vagues au loin, le vent faisant grincer les arbres.
Tu sens la morsure du froid sur tes joues gelées.
Tes pieds glacés et tes doigts engourdis.
Puis ce silence assourdissant une fois que tu débarques à Storholmen.
Le climat, le décor, les lieux que tu visites, Johana te les décrit à merveille.
Tu es immergé dans la culture suédoise.
Tu vas plonger dans le chaos de souvenirs et de pensées de plusieurs narrateurs :
Karl l’inspecteur, Emma l’experte en art et Viktoria, la bonne qui vit au manoir.
Tu visiteras ou entendras parler de Sticklinge, Djursholm, lindingö. Je ne connaissais pas ces lieux, je connais mal la Suède, Johana m’a vraiment donné envie de visiter ce pays du Nord !
Outre l’intrigue et sa résolution, l’autrice aborde les thèmes de l’amour, du deuil, de la reconstruction, de la douleur et des regrets, du poids de la culpabilité et le paganisme.
« La colère ce n’est que de la tristesse durcie par le temps »
Répondre a une question permettra d’en résoudre bien d’autres… je ne te dirai évidemment pas de quoi je parle.
« Storholmen impose le silence à une foule muette dont je fais partie. Une foule qui écoute ce silence comme un prélude au drame. »
« La plupart du temps, dans le monde du travail, il n’y a ni parité ni sororité. Toujours ennemies, jamais alliées, les femmes que j’ai rencontrées étaient les premières à se tirer dans les pattes pour protéger leur trône ou leur (basse —) cour acquise avec rage. »
L’île de Yule c’est des vagues d’eau pleine d’écume et des vagues de tristesse pleine de chagrin contenu.
C’est des personnages empêtrés dans une réalité qui n’existe plus.
Une chape de plomb pèse de tout son poids sur le manoir et ses occupants, de passage ou non.
Les habitants du manoir sont étranges, ils te mettent mal à l’aise.
Froids, hautains, on sent une présence en pénétrant dans ce domaine.
Une présence mauvaise.
Johana n’oublie pas ses racines françaises avec notamment Marseille, ou des allusions culinaires ou concernant les arts.
Comme toujours, Johana colle au plus près de l’actualité de notre société.
Aux survivantes. Vivantes ou disparues.
Un roman parfaitement maîtrisé, je l’ai adoré comme tous ses autres romans.
La différence ici est que Johana écrit sur les lieux où elle vit actuellement. Quelqu’un qui ne l’a jamais lue pourrait penser que c’est son pays d’origine.
C’est une voix à compter dans le thriller comme je le dis à chaque avis.
Une totale réussite pour moi que ce dernier-né.
PRÉSENTATION DE L’ÉDITEUR :
Le coeur battant, Emma Lindahl cogne à la porte du manoir dressé sur une petite île au large de Stockholm. Experte en art, elle doit procéder à l’inventaire des biens de la famille Gussman, quatrième plus grande fortune de Suède. L’île et son manoir ont une réputation sulfureuse depuis que, neuf ans plus tôt, une adolescente a été découverte pendue à un arbre du domaine, tuée dans des conditions affreuses.
Son assassin n’a jamais été retrouvé.
Emma se rend vite compte que son travail va lui prendre des mois, seule dans ces immenses pièces où elle ne croise jamais personne, car les Gussman ont expressément refusé de la voir et lui imposent des horaires stricts. Bien qu’elle ne soit pas impressionnable, l’ambiance ici lui glace le sang.
C’est alors qu’une nouvelle jeune fille est découverte, morte, dans la mer gelée, et tout laisse penser qu’elle a été victime du même tueur…
Un thriller aussi effrayant que captivant,
enraciné dans les rites vikings
et les sombres amours
✩ L’île de Yule ⟷ Johana Gustawsson ⟷ 306 pages ⟷ Éditions Calmann-Levy, le 18 janvier 2023✩
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Yvan dit
Je suis bien d’accord, sacrée immersion !
Bravo pour ta chronique, comme toujours fine et personnelle
Souris dit
Merci beaucoup Yvan. Belle journée