PRÉSENTATION DE L’ÉDITEUR :
Dana, jeune femme noire d’aujourd’hui, se retrouve propulsée au temps de l’esclavage dans une plantation du Sud et y rencontre ses ancêtres… Un roman d’aventure qui explore les impacts du racisme, du sexisme et de la suprématie blanche.
Contexte et ressenti à chaud
Je te donne mon ressenti à chaud, j’ai eu besoin de l’écrire aussitôt ma lecture terminée.
Je suis sonnée, émerveillée par la découverte de cette autrice.
Pourquoi ?
Pour la modernité de ce roman.
Moderne, tu vas me dire ?
Oui moderne, car il a été publié en 1979.
J’ai pensé tout au long de ma lecture que le roman avait peut-être 1 an voire quelques années.
Je ne connaissais absolument pas l’autrice, j’ai découvert, après avoir terminé mon livre, la quatrième de couverture.
Quelle ne fut pas ma surprise de lire que Octavia Butler était décédée en 2006.
Quelle femme cela devait être !
Liens de sang pose de nombreuses questions ou des réflexions par exemple tout le processus d’asservissement d’esprits libres.
J’y reviendrai lors de mon avis, mais je voulais vraiment te faire part de ce contexte avant.
Avec ces questions soulevées, la lecture n’en est que plus forte, intense.
Immédiatement après mes recherches j’ai mis en wishlist ses autres livres parus en français. Je veux tous les lire.
J’espère que les autres seront traduits, car la plume est incroyable.
Écrire de la science-fiction aussi proche de la réalité.
De notre réalité.
Lire de la science-fiction et que tu finisses par oublier que tu lis ce genre ; tellement tous les points pourraient être réels.
Une femme visonnière et en avance sur son temps.
C’est un roman intemporel que je ne peux que te conseiller de découvrir.
Que tu lises de la science-fiction ou non. C’est totalement accessible.
Je suis allée faire des recherches après ma lecture, je te les partage en fin d’article.
⚠️Les trigger warning sont aussi en fin d’article ⚠️
Mon avis :
Dana est une jeune femme qui vient d’emménager dans un nouvel appartement avec son mari lorsqu’elle est soudainement plongée dans le passé. Elle sauve Rufus, un jeune garçon blanc, de la noyade.
Elle est soudainement renvoyée chez elle alors qu’un fusil était pointé sur elle.
Elle découvre que ces quelques minutes pour elle ne sont que quelques secondes écoulées dans son époque.
Alors que Dana et Kevin, son mari, essaient de comprendre ce qu’il s’est passé, il ne faut pas longtemps avant qu’elle ne soit à nouveau partie.
Elle découvre alors qu’elle se trouve dans le Maryland, en 1815, dans une plantation.
L’histoire se poursuit à travers plusieurs autres changements de temps alors que Dana tente de comprendre les raisons de ses allers/retours dans le temps ; son lien avec Rufus ; et surtout comment faire pour rester en vie en tant que : femme noire en 1815.
Bien d’autres questions seront soulevées par Octavia Butler, ce livre n’est pas uniquement basé sur les voyages dans le temps, ce serait vraiment le dénaturer que le réduire à cet unique fait.
Imagine que tu sois catapultée dans un monde qui t’est complètement étranger.
Tu ne connais rien aux normes sociales à part ce que tu as lu dans les livres.
Tu dois te débrouiller sans objet de la vie courante, sans électricité, même les allumettes n’existaient pas encore.
Tu as la mauvaise couleur de peau.
Tu es éduquée et une femme en plus, habillée en homme, (normal en 1976 de poter un jeans pas en 1815) rien de ce que tu es n’est accepté par la société.
Tu dois rester constamment sur tes gardes pour te protéger, mais aussi parce que tu ne sais jamais quand tu vas partir ou arriver ni combien de temps tu vas rester dans le temps passé.
De quelques minutes à une heure.
Quelques jours, peut-être des mois, avant que tu ne retrouves ton époque, ta vie.
C’est une chose de lire les traitements infligés aux esclaves dans les livres d’histoire ou les romans, mais les vivre, y assister change complètement ta vision.
Entendre les cris et assister aux coups et toujours devoir te taire, tu ne peux pas t’interposer.
Ce serait dangereux pour toi.
Tu dois surveiller tout ce que tu dis ; même ton langage est suspect.
Des journées très sombres s’annoncent à toi.
Tu imagines cet état de peur constante ?
Bien qu’il s’agisse d’un roman de science-fiction, Liens de sang ressemble davantage à un mélange de fiction historique et de fiction contemporaine.
Octavia Butler évite habilement les lieux communs du genre, elle ne prend pas, par exemple, la peine d’expliquer le mécanisme du voyage dans le temps.
Octavia Butler te plonge dans une période dure et bouleversante de l’esclavage aux États-Unis.
Une période qui a toujours des répercussions aujourd’hui.
Cela se déroule dans une plantation d’esclaves, tu pourrais penser que l’autrice va axer son récit sur la couleur de la peau.
Cependant, Octavia Butler permet au lecteur de développer une sensation de caractère « racialement neutre » ce n’est que lorsque Rufus qualifie Dana de « nègre » que le lecteur se rend compte que Dana est noire.
Plus tard, Dana raconte comment elle et Kevin se sont rencontrés, amenant le lecteur à réaliser que Kevin est blanc et que les défis auxquels ils sont confrontés en tant que couple mixte sont énormes d’un siècle à l’autre. Complètement impensable en 1815, pas accepté en 1976.
Que la question raciale, les mariages mixtes sont toujours mal perçus (n’oublie pas que le roman a été publié en 1979, les droits des femmes, le féminisme, le mariage mixte ou le non-mariage n’étaient pas encore évolués comme de nos jours)
Incapable de détester Rufus, Dana ressent à la fois de l’empathie et elle ne peut pas non plus ignorer que si elle veut survivre, à la fois en 1815 et en 1976 elle doit tenir bon.
Tenir sa place auprès de Rufus.
Cela veut dire se plier aux règles de l’époque.
Chose vraiment pas évidente pour une jeune femme qui déjà en 1976 est progressiste en ne voulant pas, par exemple, que son mari subvienne à ses besoins.
Elle veut garder son indépendance financière.
J’ai adoré les personnages secondaires, les relations que Dana va lier dans le passé, les rencontres bonnes ou malheureuses qu’elle va faire. Cela ajoute du suspens et davantage d’attachement au roman.
Tu veux que Dana soit en sécurité, mais tu as aussi envie de savoir ce qu’il va se passer pour les autres protagonistes.
Rufus, j’ai été comme Dana, à la fois je l’ai plaint et je l’ai aussi détesté.
J’ai aimé que l’autrice te montre que ces hommes ne naissaient pas foncièrement mauvais, que ce qu’ils faisaient ; les actes commis faisaient partie de leur éducation.
De leur héritage.
Blanc ou noir, Octavia Butler te montre que la duperie n’est absolument pas une question de couleur.
Malgré les sauts dans le temps le récit reste fluide.
le mari de Dana va être amené à voyager dans le temps lui aussi.
Grâce à ça, tu auras un double point de vue : comment 2 personnes de races et de sexes différents vont réagir.
Cela aura en plus des conséquences sur leur couple et amènera l’autrice à soulever d’autres questions de société.
L’autrice crée une forte protagoniste féminine en Dana.
Son endurance, son courage sont remarquables.
En bref :
C’est vraiment étonnant que ce livre ait été écrit en 1976, et qu’il soit toujours au goût du jour aujourd’hui.
L’histoire est d’une originalité dingue.
Placer une femme instruite, féministe et libre en 1815 il fallait oser, il fallait construire la trame adéquatement pour que rien ne dénote.
Octavia Butler maîtrise parfaitement son livre de bout en bout.
Rien ne dénote.
Tout est fluide.
Dana c’est toi, c’est moi.
Le fait de confronter son point de vue de femme noire et libre avec les personnes noires de l’époque est dur, touchant et terrifiant.
Tu te poses tellement de questions.
En tout cas, moi je m’en suis posée. Comment je réagirais ?
Je suis par exemple fascinée par plusieurs périodes historiques, mais que ferais-je si j’étais comme Dana envoyée dans le temps avec ce que je sais, ce que je suis ?
Un roman qui a vraiment tout pour me plaire.
Une intrigue historique entremêlée à celle qui se déroule nos jours.
Des personnages forts, certains effroyables, d’autres tellement attachants ; tous inoubliables.
Il y a des scènes difficiles c’est d’ailleurs pourquoi je mets un trigger warning en fin de l’avis.
À travers les yeux de Dana, tu vas contempler cette Amérique esclavagiste.
Comme je le dis plus haut dans mon avis ; on a beau savoir en ayant appris en cours, à la TV ou dans les livres ; le vivre c’est toute autre chose.
Qu’est ce que je ferais ? Comment j’agirais ? Combien de fois je me suis posé ces questions !
La narration est parfaite. Subtile. Nuancée.
Elle est graduée, plus le roman avance plus elle soulève des questions et pas uniquement sur la couleur de peau.
Les thèmes sont foisonnants, nombreux mais tous suffisamment traités.
J’adore quand un roman questionne comme cela.
Introspectif et sombre, avec des questions qui restent sans réponse (et pourtant pour ce livre cela ne m’a pas dérangée), Liens de sang est une œuvre puissante racontée par une artiste de génie que je découvre que maintenant, comme quoi on en a des auteurs et des romancières à découvrir !
Un roman édifiant, révoltant, instructif, complètement addictif.
Un livre réaliste et dénonciateur, magnifiquement écrit et bouleversant.
Tu assisteras à des moments sordides, difficiles à lire, mais tu verras aussi énormément de beauté.
La beauté par les personnages, Dana surtout, mais pas uniquement, la beauté par les nombreuses réflexions que la lecture amène.
Je crois que tu as compris que je te le recommande, autant pour les personnes aimant la science-fiction ou celles qui comme moi sont passionnées par l’histoire.
C’est un gros coup de cœur. Pour l’héroïne, pour le style, pour la modernité de ton, pour les thèmes abordés et cette subtile et sublime écriture.
⚠️Trigger Warning : ⚠️
Dans Liens de sang tu as : le racisme, des violences physiques et morales, l’esclavagisme dans ce qu’il a de plus sensiblement réel, des violences sexuelles. Octavia Butler dose ces faits durs. Ils sont là, mais pas non plus omniprésents.
Pour aller plus loin
Si tu veux en savoir davantage sur cette très grande autrice que je découvre seulement je te mets un lien ici
Sur le roman, tu peux aller lire ici
Octavia Butler
Octavia Estelle Butler était une écrivaine américaine de science-fiction, l’une des plus connues parmi les rares femmes afro-américaines dans le domaine. Elle a remporté les prix Hugo et Nebula. En 1995, elle est devenue la première écrivaine de science-fiction à recevoir la bourse « Genius » de la MacArthur Foundation.
Après la mort de son père, Butler a été élevée par sa mère veuve. Extrêmement timide dans son enfance, Octavia a trouvé un débouché à la bibliothèque en lisant de la fantasy et en écrivant. Elle a commencé à écrire de la science-fiction à l’adolescence. Elle a fréquenté un collège communautaire pendant le mouvement Black Power et, tout en participant à un atelier d’écrivain local, a été encouragée à assister à l’atelier Clarion, axé sur la science-fiction.
Elle a rapidement vendu ses premières histoires et à la fin des années 1970, elle avait suffisamment de succès en tant qu’auteur pour qu’elle puisse continuer à écrire à temps plein. Ses livres et ses nouvelles ont attiré l’attention favorable du public et des juges de récompenses. Elle a également enseigné des ateliers d’écrivain et a finalement déménagé dans l’État de Washington. Butler est décédé d’un accident vasculaire cérébral à l’âge de 58 ans. Ses articles sont conservés dans la collection de recherche de la Huntington Library.
Si le thème des voyages dans le temps t’intéresse, je te conseille : (Clique sur les titres pour mes avis)
- Outlander de Diana Gabaldon
Sur l’esclavage :
- La plantation de Leila Meacham
- En roman jeunesse : marche à l’étoile de Hélène Montardre
- Le chant de nos filles de Deb Spera
- une fiction que j’ai aussi adoré : Underground Railroad de Colson Whitehead
- Racines de Alex Haley
- Douze ans d’esclavage (Twelve years a slave), de Solomon Northup (il y a eu un film si cela t’intéresse)
✩ Liens de sang ⟷ Octavia E.Butler ⟷ 480 pages ⟷ Éditions Le Diable Vauvert, le 15 avril 2021 ✩
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