PRÉSENTATION DE L’ÉDITEUR :
Rana, dix ans, fonce sur son vélo flambant neuf, un vent de liberté lui caresse le visage.
Quinze jours plus tard, c’est terminé. Son vélo est donné à l’un de ses oncles. Encore quelques mois et elle devra porter l’abaya noire sur son corps, le tarha sur sa tête et ses épaules, le niqab sur son visage. Ensuite, ses parents lui trouveront un mari et elle sera condamnée à ne plus rien faire que la cuisine, le ménage et ses cinq prières par jour. C’est la loi.
Il ne reste à Rana que ses yeux pour pleurer et contempler son monde : l’Arabie saoudite des années 2000. Mais Rana n’a jamais oublié le vent de liberté de ses dix ans et est prête à tout pour le retrouver et en jouir, et, cette fois, en adulte.
Rana commence son récit par un prologue. Elle est à Cologne, à 6000 km de sa terre natale. En passant devant un commerce de téléphone international sans l’avoir prémédité elle entre et téléphone chez elle. Chez elle, c’est l’Arabie Saoudite. Voilà 2 ans qu’elle n’a plus vu son père.
Au chapitre 1, Rana nous raconte son enfance à Riyad.
L’insouciance de l’enfance quand elle voit des gens recevoir des coups de fouet pour avoir rompu le jeûne durant le ramadan, la police religieuse veille. Pour Rana, le ramadan est une fête.
La maison embaume de ses plats préférés, elle observe sa grand-mère et sa mère et puis elle est tellement fière de faire les mêmes gestes que son père. Très tôt, elle a imité ses gestes. Les rituels de la prière.
C’est tellement ancré en elle qu’elle n’y réfléchit pas.
C’est instinctif.
Et puis pourquoi se poserait-elle des questions alors que ses parents, sa famille très pieuse accomplissent ses gestes avec sérieux ?
C’est tout simplement normal. Dans l’ordre des choses.
Elle prie comme on se lave les dents.
Machinalement sans méditation.
On ne lui a rien demandé, elle a commencé d’elle-même à prier avant même les cours de religion simplement pour faire comme son père.
Voir son sourire. L’entendre l’appeler « Loulou ».
Une petite fille avide de connaissance et de savoir.
Sa vie va littéralement changer du jour au lendemain.
À partir du moment où son grand-père lui interdit de rouler à nouveau à vélo.
C’est devenu haram. Interdit.
Pourtant jusque là la Syrie lui promettait des étés bien plus libres qu’à Riyad. Pendant les vacances d’été à Damas, tout se fait avec un peu plus de liberté. Les femmes sont moins contrôlées.
Mais du jour au lendemain, elle est trop vieille pour se promener en rue seule. C’est haram.
Elle sait que pour être une bonne musulmane elle ne doit rien faire de haram, pourtant, elle n’ose demander pourquoi les petites filles deviennent trop âgées à un moment donné, pourquoi quelque chose devient tout à coup haram.
« Un instant avant, j’avais une bicyclette à moi et je pouvais sentir le vent dans mes cheveux. À présent, je dois les couvrir et je n’aurai plus le droit de sortir seule quand nous reviendrons à Riyad. »
À 14 ans, sa liberté sera encore restreinte. Elle commence à pressentir non seulement qu’elle ne vaut rien, mais que cette absence de valeur est doublée d’une absence de protection.
À 17 ans, quelque chose se brise définitivement en elle au cours de cet été.
La Syrie et les vacances tant attendues pour aller voir ses grands-parents, oncles et tantes, cousins et cousines ne sont plus synonymes de liberté.
Les filles grandissent dans la certitude que leur corps est une surface de péchés, quelque chose dont elles doivent avoir honte. Elles cachent donc leur corps du mieux qu’elles le peuvent. Elles se rendent invisibles.
Revêtir l’abaya, puis la tarha, et pour finir le niqab. Chaque matin, ces 3 gestes sont accomplis. Sans ces 3 vêtements, elles ne peuvent sortir même si elles sont toujours accompagnées. D’un frère, d’un père ou d’un mari.
En Arabie Saoudite, une femme doit aussi recouvrir ses sourcils. Ne pas se voiler correctement c’est l’assurance d’avoir des ennuis avec la police religieuse.
Ces femmes, enfants, jeunes filles supportent des situations tellement difficiles, elles espèrent toutes ne pas se briser.
« Les rêves de Rachida, comme ceux de la plupart d’entre nous, ne seront jamais plus que des histoires qu’on se raconte pour se changer les idées dans les moments de tristesse. Il nous faudra inéluctablement y renoncer un jour ou l’autre. Pour une Saoudienne, il n’existe aucun moyen de les concrétiser. » « Je suis heureuse, tout simplement. J’aimerais descendre la rue éternellement, tant est agréable la sensation du vent dans mes cheveux. Mon esprit n’a jamais été aussi léger. Ce moment est l’un des plus importants de ma vie : cet été-là, à Damas, j’ai senti la liberté. »
Rana Ahmad te livre tout ce qui l’a mené vers la Cologne. D’abord l’apprentissage d’une autre langue, l’anglais. Élève studieuse et toujours avide de connaissances, elle accumule les savoirs tant qu’elle le peut.
Ses principaux voyages elle les fait grâce à Internet. Cette fenêtre ouverte sur le monde qui lui permet d’échapper un moment de son enclos.
Elle peut échanger, dialoguer avec d’autres personnes, chose impossible dans sa vie de tous les jours.
Faute de pouvoir parcourir le monde, elle le fait entrer dans sa chambre.
Internet sera une des deuxièmes clés de la porte de sa geôle
Twitter va un jour bousculer toutes ses certitudes
Le début d’une longue réaction en chaîne.
Un choc violent qui remet en cause tout ce sur quoi sa vie est fondée.
Dans ce monde de persécution quotidienne, permanente, il y a une autre constante dans la vie de Rana : l’amour et le soutien de son père.
J’ai aimé cet homme, j’ai compris combien la pression de son milieu était importante et j’ai aussi compris qu’il a agi au mieux pour protéger sa fille. Ce n’est certainement pas lui qui lui aurait coupé les ailes.
Cet homme a toujours cru en elle, il aurait voulu lui laisser pousser les ailes dans un pays où on les coupe dès le plus jeune âge. Il l’a aidé sans qu’il le sache à construire des ponts qui la conduiront vers la liberté où ses ailes pourront toujours pousser, on ne lui enlèvera plus.
Arabie saoudite : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Arabie_saoudite
Une lecture qui t’interpellera, chaque femme qui le lira le sera certainement en ses condisciples asservies, bafouées, ici en Arabie Saoudite principalement, mais c’est le cas aux quatre coins du monde…
J’ai été tétanisée, révoltée, écœurée.
Un récit vivant, alerte, regorgeant d’anecdotes sur les usages, les règles de toute bonne musulmane en Syrie et en Arabie — saoudite, mais qui est surtout profondément humain. Rana ne juge pas la religion musulmane, elle dénonce les extrémistes, les fondamentalistes et surtout et avant tout les femmes qui n’ont pas le choix.
Une lecture coup de poing
On apprend beaucoup sur la vie en Arabie Saoudite. J’étais très loin d’imaginer tout ce que j’ai lu malgré ce que j’ai déjà parcouru dans les médias.
Rana te parle des traditions sociales, familiales et culturelles. Du poids de la famille et des traditions. C’est passionnant et révoltant pour nous qui sommes libres de tous nos mouvements.
Libre de penser, de rêver, d’agir, de décider.
Ce récit permet beaucoup de réflexion à ce sujet.
On en apprend aussi sur le long parcours des migrants. Les différents accueils qu’on leur réserve suivant les pays traversés.
J’ai appris grâce à Rana Ahmad ces réseaux sociaux d’athées, ex-musulmans », présents dans le monde entier, je ne connaissais pas du tout.
Bien plus qu’une simple page Facebook ou un compte Twitter, ce sont des réseaux de soutien moral, d’entraide et parfois même davantage.
Une information qui pourrait je pense aider. Femmes et hommes.
J’ai aimé le ton, toujours enthousiaste et positif.
Rana continue de croire en l’humanité, dans le partage, les valeurs de générosité, d’amitié, du savoir.
« Même si je condamne le sexisme et l’oppression que subissent les femmes en Arabie saoudite, je sais aussi que cette foi n’exclut pas nécessairement le respect des femmes. La majorité écrasante des musulmans, des centaines de millions de personnes vivant dans le monde entier, ne partagent aucun des idéaux terroristes, les musulmans ne sont pas tous des violeurs. »
« Ce sont des petits gestes qui font grandir notre monde, qui l’élargissent, qui le rendent plus ouvert. Je crois que tous les êtres humains possèdent ce noyau de bonté. (…) on le réduit trop souvent à néant en accordant une foi aveugle à une religion, une idéologie, une nation… quand les déceptions, la souffrance, les injustices et la douleur ne se déposent pas sur lui comme des strates successives jusqu’à l’étouffer complètement. »
J’ai particulièrement aimé l’accompagner dans son cheminement de réflexion sur la religion.
Une leçon de vie, et une leçon tout simplement pour toutes ces informations que le récit contient sur la vie dans les pays soumis à la charia.
Je retiens surtout combien une main tendue peut soulever des montagnes, je retiens toutes ces personnes qui étaient sur la route de Rana et qui ont pu l’aider.
Un très beau témoignage en plus de ce que veut dire être une femme musulmane en Arabie Saoudite sur la solidarité, le soutien, l’amitié. C’est tellement important et porteur d’espoir quand on a plus d’autres solutions que de fuir son pays, ses racines, les gens que l’on aime pour sauver sa vie ou fuir la guerre.
« Le chemin qui vaut la peine qu’on l’emprunte est le plus difficile. » « C’est qu’il y a des gens qui se vouent entièrement à leur religion et élèvent leur Dieu au-dessus de tout un chacun au point d’oublier par quoi commence la piété : l’humanité. La miséricorde. L’amour de son prochain. »
Rana Ahmad constate au cours de son périple la bonté des gens ordinaires qui nous permettent d’avancer. Elle exprime la gratitude et l’admiration que lui inspire la générosité des gens croisés sur sa route et qui lui ont tendu la main.
L’empathie c’est ce qui se dégage du récit et c’est ce que moi j’éprouve pour Rana. Courage et abnégation, elle n’a jamais abandonné. Parfois pour accomplir un grand acte on doit se concentrer sur de petites choses pour avancer. La seule manière d’y parvenir il faut se rendre compte du courage dont on est en train de faire preuve.
Prison. La prison physique et mentale. Celle des femmes saoudiennes qui ont de l’argent, du pouvoir, les moyens techniques ces mêmes femmes ne quittent pas le pays. La répression la plus puissante est celle qui est dans leur tête. La honte qui pèse sur leurs épaules. La peur de la répression. La crainte d’attirer sur leur famille la haine, l’infamie, la honte. Des entraves mentales tellement plus puissantes que des menottes d’acier.
Elle te parle des nombreux deuils qu’elle a à porter. La 1re fois où petite fille elle a compris qu’elle n’avait aucune valeur. Une amitié perdue, plusieurs mêmes. Chaque fois qu’on lui a ôté un peu de liberté, elle s’est sentie mourir.
Elle t’en parle dans son récit, je le lirai un jour : Raif Badawi un blogueur condamné à 1000 coups de fouet. Il a été arrêté un dimanche de juin parce qu’il avait osé critiquer le gouvernement saoudien.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Raif_Badawi
Pour en savoir plus sur l’autrice, va visiter entre autres ce lien, mais aussi quantité d’autres.
✩ Ici, les femmes ne rêvent pas ⟷ Rana Ahmad ⟷ 352 pages ⟷ Éditions Pocket, le 4 mars 2021 ✩
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meslivresdepoche dit
il a l’air super intéressant, pédagogique, et je pense qu’en le lisant on apprend beaucoup de choses sur les us et coutumes qui sont totalement différents de par chez nous. il a l’air vraiment instructif et bien écrit 🙂