PRÉSENTATION DE L’ÉDITEUR :
14 février 1976, jour de la Saint-Valentin. Dans la ville pétrolière d’Odessa, à l’ouest du Texas, Gloria Ramirez, quatorze ans, apparaît sur le pas de la porte de Mary Rose Whitehead.
L’adolescente vient d’échapper de justesse à un crime brutal. Dans la petite ville, c’est dans les bars et dans les églises que l’on juge d’un crime avant qu’il ne soit porté devant un tribunal. Et quand la justice se dérobe, une des habitantes va prendre les choses en main, peu importe les conséquences.
Elizabeth Wetmore n’hésite pas à sonder les tréfonds de l’âme humaine et livre un roman dur et âpre à la beauté mordante.
Le livre commence un matin d’hiver à Odessa. Gloria se réveille d’une nuit qui la changera à jamais.
Elle ouvre les yeux sur un champ pétrolifère, elle voit des acacias et ce type endormi dans son pickup.
Elle tourne sa tête endolorie. Elle compte. Un, deux, 50, 200… 1000 ; il est toujours endormi. 14 h de supplice, ventre à terre. Elle veut vivre, mais elle laisse Gloria à cet endroit. Désormais, appelle-la Glory.
Déterminée à atteindre la ferme qu’elle a aperçue au loin. Très loin, à pied, sans chaussure dans le désert. Des cailloux, une voie de chemin de fer pour quitter son enfer.
Elle se dirige vers la seconde narratrice du récit. La 1re personne qui rencontrera Glory après cette nuit : Mary Rose.
La première personne à rencontrer Gloria Ramirez vivante. Gloria, 14 ans qui a fait confiance un soir de Saint Valentin à Dale Strickland. Son violeur et tortionnaire. Elle n’a pas vu derrière les beaux mots, les cheveux blonds et les taches de rousseur et les cannettes de bière toute la douleur qu’elle allait subir.
On se sent invincible à cet âge.
Comment aurait-elle pu deviner ce qui allait lui arriver dans cette ville où il ne se passe jamais rien ?
« Et j’entendais une mouche bourdonner en mourant. C’est l’heure de plomb dont on se souvient si on y survit. »
C’est à ces 2 vers de poème que pense Mary en ouvrant la porte à Glory. Glory froide, calme. Glory qui l’espace d’un instant se transforme en tempête de sable implorant à l’aide, se métamorphose en nuée de poussière, en vent mendiant un peu de miséricorde.
Une main tendue, la winchester dans l’autre comme une canne sur laquelle s’appuyer, la petite Aimée Jo Whitehead, 9 ans, appelle le shérif et une ambulance sur ordre de sa mère. Son père Robert n’est pas à la maison. Même le dimanche il travaille ; la ferme ne rapporte pas assez.
Imagine-toi tu te tiens, toi aussi, sur la véranda, tu entends Glory réclamer Alma, sa maman. Sa mère et un verre d’eau.
Imagine-toi voir un pickup arriver de la route.
Imagine-toi ce que tu ferais, à quoi tu penserais juste à cet instant-là.
C’est maintenant au tour de Corinne de te parler.
Elle se réveille d’une soirée arrosée. Oublier le chagrin de la mort de Potter, son mari dans le whisky. Le téléphone sonne. Alice sa fille ? Peut-être. Elle ne veut parler à personne. Elle est en colère contre la terre entière. Perdre son mari si peu de temps après la retraite, 30 années à n’enseigner à des gamins aujourd’hui plus rien. Juste le chagrin et ce chat abandonné ramené par Potter, un chat à l’instinct de chasse bien réveillé. Un jardin parsemé de cadavre d’oiseau et autres animaux en tout genre le long de la haie.
Ce n’était vraiment pas une bonne idée d’adopter ce matou.
Passons à Debra Ann, 10 ans. Debra vit non loin de Corinne sur Larkspur Lane. Elle a deux amis imaginaires. Elle se promène à vélo en faisant attention aux ornières et aux serpents à sonnettes. Elle ramasse les lézards à cornes qu’elle dépose dans un bocal puis dans le panier devant son vélo. Les adultes pensent que la petite fille ne comprend pas les mots et maux des adultes, mais elle est bien plus rusée.
Vive et attachante.
Alerte et observatrice.
Il ne lui arrivera rien de mal, tant qu’elle ne marche pas sur les fissures du trottoir et qu’elle mange ses légumes et suit les réponses de sa cocotte en papier : oui, non, probable, n’hésite pas.
Elle a vu l’homme et attend sa mère partie depuis février. Quand rentreras-tu maman ?
Te voilà à présent en route avec Ginny. Le moteur de sa Pontiac n’est plus de première jeunesse.
26 ans, encore toute une vie devant elle, mais déjà dépassée par le poids des responsabilités alors elle fuit. Elle reviendra d’ici un an ou 2 rechercher sa fille.
Tu laisses derrière toi les derricks et les pompes à tête de cheval pour arriver au désert, un horizon plus accidenté, une terre rouge
. Reno laisse la place à Albuquerque. Une route sinueuse pour quitter une vie trop lisse dans la moindre aspérité ou perspective de voir quelque chose de beau. C’est son rêve à Ginny. Toutes ces images de paysages vus dans les ouvrages de la bibliothèque.
Tu feras aussi un bout de chemin en compagnie de Suzanne Ledbetter. Organisée, sa vie est une liste de chose à faire en temps et en heure. Des objectifs à atteindre. Elle ne cache rien à sa fille Lauralee. Les alligators veillent et attendent le moment où tu tourneras la tête juste 1 minute. La minute de trop.
Maison soignée, vie ordonnée, cœur apaisé.
À partir de là, tout à tour ces femmes vont te narrer un morceau de leur vie. Passé ou présent.
Et si Gloria avait été blanche ? Et si elle avait 16 ans est-ce qu’il y aurait moins d’ambiguïté morale ?
Si…
Chaque mère maintenant a peur pour son enfant
Je te protégerai toujours tous les jours est-ce une promesse vaine ?
L’auteure aborde des thèmes variés, différents, mais qui n’affaiblissent pas l’intrigue principale au contraire, elle la renforce en donnant plus de poids aux personnages que tu rencontres de près ou de loin.
Les sujets sont le suicide, l’alcoolisme, le deuil, le cancer, la fièvre de l’or noir, les vétérans de l’armée américaine démobilisés oubliés. Le racisme ici envers la communauté mexicaine.
L’auteure dépeint cette société de la fin des années 70 à Odessa et le peu de perspective s’ouvrant à ses habitants en particulier pour les femmes qui
ont peu de choix d’avenir. Au mieux, finir leurs études secondaires avant de tomber enceinte.
Roman choral puissant et envoûtant, Glory met en scène les retombées d’une terrible agression dans une petite ville du Texas et donne la parole à celles que l’on n’a pas l’habitude d’entendre.
✩ Glory ⟷ Elizabeth Wetmore ⟷ 320 pages ⟷ Éditions Les Escales, le 27 août 2020 ✩
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