Au mois d’août j’avais eu un gros coup de cœur pour Underground Railroad de Colson Whitehead, Marche à l’étoile est un roman jeunesse traitant du même sujet, certes différemment, mais avec autant d’émotion.
Cher lecteur ; que tu lises des romans jeunesse ou des romans adultes, que tu t’intéresses à la cause esclavagiste, à tous ces gens qui ont œuvré dans le plus secret au péril de leur vie pour sauver des esclaves en fuite avant la guerre de Sécession, il te faut lire ces livres.
J’ai dévoré ce roman jeunesse ; passionnée autant par l’histoire de Billy en 1854 que celle du deuxième personnage qui apparaît à la moitié du livre, Jasper en 2013.
Billy a 15 ans quand celle qu’il considère comme sa grand-mère dans la plantation d’East Mill en Géorgie lui confie un secret, un nom français et un paquet contenant une seule boucle d’oreille, une étoile sertie d’or.
Un jour quand le maître l’appelle dans la grande maison il sort son trésor, directement il est accusé de vol. Un esclave ne possède rien et sûrement pas un objet de valeur.
Il n’a d’autre choix que de fuir et de suivre l’étoile que les vieux de la plantation racontait aux enfants comme une fable, suit l’étoile elle te mènera toujours au nord.
C’est ce que Billy va entreprendre, une marche à l’étoile.
Sur sa route, il croisera bon nombre de gens travaillant pour l’Underground Railroad et fuira le chasseur d’esclaves en fuite Kingsburry qui a toujours l’air de savoir où il se trouve.
Son but rejoindre le Canada.
« Marche à l’étoile, Billy. Marche à l’étoile, même si elle est très haute ! L’Étoile du Nord mène à la liberté… » La liberté… le mot lui donna le vertige.
2013 ; état du Maine, Jasper vient d’enterrer son grand-père.
Il range les affaires de son aïeul et tombe sur un vieux cahier relatant le périple d’un esclave qui porte le même nom de famille que lui.
Pour Jasper sa vie bascule, il ne s’était jamais interrogé jusqu’alors à ses origines.
Il était américain voilà tout, mais cette découverte remet toutes ses certitudes en branle.
Ce cahier l’obsède, il veut partir en quête de ses racines.
Nulle part, il n’existe de registres, ni même un musée sur la traite des esclaves et des bateaux négriers.
Ces gens étaient arrachés à leur tribu, leur famille parfois (souvent) séparée de leurs enfants, affublés d’un nom chrétien à leur arrivée dans l’une des plantations du sud.
Des musées sur l’immigration des Russes, des Européens qui voyait dans les États-Unis une terre de promesse, de liberté et de travail au début du 20e ça oui ça existe.
Tout ce qui a été l’exploitation des esclaves c’est comme si le pays voulait gommer ce pan de leur histoire et pourtant bon nombre d’Américains sont des descendants de ces esclaves.
Jasper est loin de deviner le pays où va le mener sa quête identité ni la superbe histoire qu’il va mettre au jour.
Si j’ai préféré la partie se déroulant lors la fuite de Billy où l’on traverse plein d’états ; Hélène Montardre décrit à merveille les paysages tout comme le véritable enjeu de l’Underground Railroad.
Jasper m’a aussi ému dans sa quête d’identité alors que Billy lui était en quête de liberté.
Deux personnages admirablement construits.
Des personnages qui pourraient avoir existés, leur histoire peut être celle de milliers d’entre nous.
Combien d’entre nous connaissent réellement les branches éloignées de leur arbre généalogique ?
Un roman jeunesse très bien écrit sur la cause esclavagiste, il en existe très peu, je pense même que c’est le premier que je lis, il plaira aux jeunes, mais aussi aux adultes.
C’est fort en émotion, on craint tout du long pour Billy, c’est poétique, une écriture belle, fluide, immersive et cinématographique tellement les lieux sont admirablement décrits tout comme les protagonistes rencontrés.
Vous aurez le cœur serré plus d’une fois et c’est en apnée que vous lirez la fuite de Billy.
L’intrigue du bijou et ce nom français renforcent encore le suspens, il vous faudra faire preuve de patience, car l’auteure ne vous délivrera pas vite le mystère.
Une histoire qui finit dramatiquement, mais qui n’en est pas moins belle.
L’histoire de Jasper est tout aussi émouvante, la quête des racines, l’importance du nom, les secrets de famille.
Ce jeune homme est bouleversant dans sa démarche de rendre justice à cet homme qu’il n’a pas connu et n’a jamais entendu parler.
Le lien entre Billy et Jasper, le dénouement est très bien amené, le fil rouge qui les unit traverse le temps et les épreuves.
Un final très émouvant et fort en image.
Les mots sont justes, l’Undergrond Railroad bien raconté sans trop de détails atroces qui pourraient rebuter les lecteurs, les croyances des quakers bien racontées, une histoire de valeur, de justice, de l’importance du nom et de l’équivalence de l’homme qu’il soit blanc ou noir c’est un être humain.
« Jamais Billy n’avait rencontré un Blanc comme lui. Un blanc pour qui la couleur de peau ne comptait pas »
Je ne connaissais pas encore l’auteure, mais il me tarde de lire d’autres de ses romans.
Je ne peux que le conseiller à tous ; lecteurs, professeurs, élèves, bibliothécaires, à l’heure actuelle où le racisme est toujours d’actualité ; il me semble important de donner de tels livres à lire aux plus jeunes générations.
« Je suis cette montagne de pierre qui se dresse, non loin d’Atlanta, en Géorgie. Je suis le vent qui souffle sur les forêts des Appalaches. Je suis la douceur qui règne dans la clairière de la Swann Cabin, là-bas en Caroline du Nord. Je suis les ruisseaux, les torrents, les rivières et les fleuves qui coulent inlassablement vers l’océan. Je suis le marais secret de l’embouchure de la James River, en Virginie. Je suis les neiges du Vermont. Je suis aussi New York, cette ville où j’ai bâti mon foyer (…), mais je ne suis pas que cela. Je viens d’ailleurs, et une partie de moi est aussi cet ailleurs. Je suis l’Amérique, et je suis aussi deux autres pays. »
Marche à l’étoile de Hélène Montardre- Roman jeunesse, historique, esclavagisme – 448 pages, 14.90€ – Edition Rageot, en librairie depuis le 13 septembre 2017
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L'étagère éphémère dit
Je suis d’accord avec ton avis, rien que pour le thème, ce livre vaut le détour, mais en plus aussi bien traité, j’ai adoré ! J’ai trouvé cependant que la partie de Billy connaissait parfois quelques longueurs pas trop dérangeantes alors que la partie de Jasper, certes plus courte, est passée à une vitesse folle. Donc j’avoue avoir préféré la partie de Jasper, en particulier pour la façon dont l’auteur a mêlé les deux histoires…
Eliane Blicq dit
Coucou, mais quel beau roman, toute cette partie d'histoire que l'on connait tres peu, c'est super intéressant . Merci ma petite souris pour cette belle chronique. Bonne journée, à demain , gros bisous de Charente ????????