PRÉSENTATION DE L’ÉDITEUR :
La violence en héritage
Carmen est enseignante, spécialiste de l’Amérique latine. Une évidence pour cette fille de réfugiés argentins confrontée au silence de son père, mort en emportant avec lui le fragile équilibre qu’elle s’était construit. Et la laissant seule avec ses fantômes.
Un matin, Carmen est contactée par une entreprise de garde-meubles. Elle apprend que son père y louait un box. Sur place, un bureau et une petite clé. Intriguée, elle se met à fouiller et découvre des photographies, des lettres, des coupures de presse. Et sept carnets, des journaux intimes.
Faut-il préférer la vérité à l’amour quand elle risque de tout faire voler en éclats ? Que faire de la violence en héritage ? Avec une plume incisive, Johanna Krawczyk livre un premier roman foudroyant qui explore les mécanismes du mensonge et les traumatismes de la chair.
Passer à côté de ce texte, de ce 1er roman serait une erreur.
D’habitude, un bandeau qui annonce un roman magistral, j’ai des craintes ou je trouve cela exagéré, pas ici.
Le bandeau signé Anne Goscinny est encore bien en deçà de la puissance du roman.
Un corps en pilotage automatique, chaque matin Carmen se lève avec l’impression de ne pas être elle. Dans la bonne place. Dans la bonne vie. Alors, elle boit un peu dès le matin à 7 h 30.
Enseignante, elle se dépêche chaque matin pour ne pas arriver en retard.
Boire. Boire. Encore, boire.
Tout oublier. T’enfoncer dans un nuage d’alcool, dans un flot de Vodka. Boire le matin, la journée, le soir pour oublier que tu es là, dans ce vide rempli d’agitation, sans parents, sans passé, un mari lassé et un bébé que tu ne parviens pas à aimer.
Ta mère partie, envolée, elle a laissé à sa place une pierre. Ton obsidienne. Celle qui te tranche les tripes comme un silex.
Ton père est mort et il a encore pris plus de place qu’avant.
Tu le vois partout. Ernesto Gomez. Tu aurais tant voulu percer ses mystères. Détruire les remparts construits.
Tu veux comprendre son regard.
Ses embrasements.
Ses silences
Pourquoi ne t’a-t-il rien raconté de son passé en Argentine avant son arrivée en France ?
Des carnets retrouvés vont te permettre peut-être de les comprendre ces mots jamais prononcés.
Plus Carmen y pense, plus elle est face à cette énigme, face à ce cadenas scellé sur la bouche de son père pour « empêcher de dire les ronces qui te grignotaient. »
Ernesto. Jardin ravagé.
Il y a le après elle et le avant elle, elle c’est la dictature.
« Le mensonge protège là où la vérité foudroie »
Comment une vie peut-elle basculer
Comment et pourquoi peut-on s’autodétruire
Le poids des secrets qui entraîne parfois les générations suivantes dans l’abîme et puis cette question est-il bon de tout savoir, tout connaître sur ses parents ?
La vérité n’a-t-elle pas un coup plus terrible encore que le silence qui blesse.
Ce silence oppressant entraînant tant de questions sans réponse.
Carmen, funambule sur un fil, arriveras-tu au bout de ta quête ou tomberas-tu avant ?
Une plume magnifique, imagée quand il le faut, symbolique par moment.
Un livre qui m’a pris aux tripes.
Carmen, tu veux comprendre pourquoi l’enfant bavard est-il devenu ce papa mutique.
Plus tu lis ce que tu as découvert, plus tu te poses des questions.
Ton père, cette énigme.
Pourquoi papa dis-moi ? Toi l’amoureux des mots ; que s’est-il passé pour que tu renonces ?
Tu ne peux pas imaginer ce qu’il se cache dans ces pages. Je ne peux t’en dire davantage si ce n’est que l’auteure m’a broyé le cœur, les larmes ont coulé, fort.
J’ai crié moi aussi contre l’injustice contre toutes ces atrocités commises au nom, peu importe la raison, de religion, de régime politique, de croyances
Je pensais avoir deviné ; je pensais savoir où les pas de Carmen me conduisaient. Je n’étais pas prête. Foudroyée. Déchirée. Anéantie.
C’est un roman absolument totalement magnifique. Dur et révoltant. L’humain dans sa face sombre, mais avec des moments lumineux ou bleu, peu certes, mais le talent de Johanna Krawczyk réside non seulement à sa plume si réaliste, si visuelle, mais surtout à sa capacité à aborder des sujets douloureux tout en étant toujours restée juste.
Un hommage à ceux qui ont souffert en Argentine durant ces terribles années, à ceux qui souffrent encore aujourd’hui.
Je voudrais les citer ; je ne peux pas sans te spolier.
Un roman qui vraiment m’a foudroyée, qui explore les traumatismes de la chair, les mécanismes du mensonge.
Le reste tu devras le lire, absolument le lire et venir m’en parler si tu le fais.
Porque te vas
Une obsidienne dans le ventre
Un box presque vide, ou presque. Un bureau, une lampe de chevet et une chaise. Des fruits qui réconcilient, les Guaranis et des colibris, l’instabilité du pays, la popularité de Perón, les coups d’État militaires, la destruction des idéaux, la peine et les peines, les luttes intestines à l’intérieur des partis, la réélection de Perón puis celle de son épouse Isabel, la junte ; Videla, Massera et Acosta ; les escadrons de la mort, les tortures, les viols et les meurtres,
Un roman qui mêle histoire, érudition et qui aborde des thèmes sensibles avec beaucoup de pudeur, d’émotion et de justesse.
Des moments graves et douloureux Carmen m’a touché, mais l’histoire de son père et de son pays natal ; tout autant. Différemment, il me faudra du temps pour oublier ces mo (t) ments.
Merci pour ces mots.
Merci pour cette puissance, cette vague qui m’a emportée, recrachée, mais qui m’a aussi rendu du souffle.
Lundi 25 janvier 21 h 35, j’écris ces mots, j’ai mal, mais je souris aussi, terrassée par ces 157 pages.
Rarement, j’ai lu un récit aussi court aussi dense aussi fouillé en restant fluide, qui parle maternité, de paternité et tellement plus encore.
✩ Avant elle ⟷ Johanna Krawczyk ⟷ 160 pages ⟷ Éditions Heloïse d’Ormesson, le 21 janvier 2021 ✩
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