Ann Leary a effectué des recherches il y a une dizaine d’années pour savoir dans quelles circonstances sa grand-mère s’était retrouvée orpheline.
Elle n’a pas trouvé réponse à cette question, mais ce qu’elle a trouvé c’est le nom de son aïeule dans un recensement fédéral des années 30.
Elle avait 17 ans et travaillait comme sténodactylo dans une institution de Pennsylvanie, le Laurelton State Village for Feeble-Minded Women of Childbearing Age destiné aux « femmes faibles d’esprit en âge de procréer ».
L’autrice a donc décidé de se renseigner.
Ce qu’elle a découvert ce que ce n’était pas une institution pour jeunes filles en situation de handicap mental !
Non, c’était un des nombreux asiles eugénistes des États-Unis
Ces institutions concernaient des filles arrêtées dans un bar clandestin, une mère d’un enfant né hors mariage, une prostituée ou une lesbienne.
Ces femmes étaient taxées de déficiences mentales
Pour éviter ce que le monde de l’époque qualifiait de tare transmissible de la mère à l’enfant, elles étaient : ou stérilisées, ou enfermées.
Elles ne pouvaient sortir qu’à leur ménopause.
Même si elle s’est inspirée de l’institution où a travaillé sa grand-mère c’est une œuvre de fiction.
Certains propos et attitudes sur la question raciale, la sexualité ou le handicap mental sont ceux qui prévalaient dans l’Amérique du XXe.
Ils te choqueront autant que moi, mais à l’époque c’était des termes médicaux (même si c’est très difficile à concevoir)
Mon avis
Voici la sortie du mois de mai des éditions Faubourg Marigny.
Un roman qui traite de l’eugénisme aux États-Unis au début du 20e.
Nettleton village explore ce sujet, te révélant combien de jeunes femmes étaient institutionnalisées pour les empêcher d’avoir des enfants.
Des femmes leaders, célèbres de l’époque, comme Margaret Sanger, étaient partisanes de cette pratique ! Je pense que c’est ce qui m’a le plus choqué, des femmes qui auraient dû soutenir leurs semblables les ont, au mieux, oubliées dans ces établissements.
Extrait de Wikipédia concernant Margaret Sanger : L’une des féministes les plus importantes à défendre le programme eugénique est Margaret Sanger, à la tête du mouvement américain de contrôle des naissances. Elle considère le contrôle des naissances comme un moyen d’empêcher que des enfants non désirés ne naissent dans une vie défavorisée et intègre le langage de l’eugénisme pour faire avancer le mouvement 23,24. Sanger vise également à décourager la reproduction des personnes qui, croit-on, pourraient transmettre des maladies mentales ou de graves défauts physiques.
Dans Nettleton Village, Ann Leary nous plonge dans l’Amérique des années 1920, une époque où les pratiques d’eugénisme et de mouvements eugéniques étaient en vogue, où les femmes étaient opprimées et considérées comme « débiles d’esprit » si elles défiaient les normes sociales ou leurs maris.
Mary Engle, notre protagoniste, est une jeune femme, qui a grandi dans un orphelinat catholique et qui cherche à réussir sa vie.
Elle s’empresse d’accepter un poste de secrétaire auprès de la directrice de l’institution Nettleton Village.
La docteure Agnès Vogel.
Elle idolâtre cette femme.
Une femme médecin, psychiatre, écoutée par des hommes et dirigeant une grande institution.
Une femme qui veut aider d’autres femmes.
Pour Mary, c’est le début d’une nouvelle vie. À sa manière, elle pourra, elle aussi, aider.
Tu vas découvrir progressivement la situation de Nettleton Village et celle de ses pensionnaires.
Tu vas être témoin de la prise de conscience croissante de Mary, qui découvre que le Dr Vogel, la directrice de l’institution, n’est pas la sainte qu’elle pensait être.
L’histoire est révélatrice et choquante, je ne connaissais pas cet épisode de l’histoire américaine.
En tout cas pas abordé comme cela, car si tu me lis depuis un moment tu n’es pas sans savoir que j’ai eu un très gros coup de cœur pour « Ce qu’elle a laissé derrière elle » de Ellen Marie Wiseman, un autre roman de Faubourg Marigny, mon avis est ici.
On parle aussi des asiles psychiatriques américains dans « Après l’océan » de Laurence Peyrin. Mon avis est là.
Dans Nettleton village, l’héroïne n’est pas une pensionnaire, mais une travailleuse extérieure, la vision apportée est différente.
Ann Leary réussit à relater l’ambiance de l’époque.
L’eugénisme oui, mais aussi le racisme, la prohibition et ce que je ne peux te révéler, car c’est lié à l’intrigue.
Je n’avais pas lu la 4e de couverture, j’ai donc été très surprise par les dénouements qui surviennent au cours des 3 parties du récit.
J’ai adoré observer la prise de conscience croissante de Mary de la situation et sa connaissance que le Dr Vogel n’est pas la sainte qu’elle avait d’abord pensé qu’elle était.
Le dernier quart du roman est incroyable, la tension monte de plus en plus. Une dernière partie haletante, un final où je n’ai rien vu venir.
Les personnages sont très bien dessinés, tu les vois évoluer devant toi, même si j’ai eu du mal au départ avec Marie, la jeune fille naïve elle a su rapidement me faire l’apprécier et puis je pense aussi que cela colle parfaitement au personnage qui vient de la campagne, qui a été élevée en partie dans un orphelinat catholique et qui correspond aux normes de l’époque.
Elle ne veut pas perdre son travail, elle écoute religieusement ce que les adultes lui disent.
C’est une histoire sur le courage de faire ce qu’il faut.
« J’ai toujours cru qu’il valait mieux laisser l’héroïsme aux imbéciles et aux saints. »
Au fil de l’histoire, la tension monte de plus en plus. La dernière partie est haletante.
J’aurais aimé en apprendre plus sur ce qui se passait pour les pensionnaires, leur vie quotidienne, ce qu’elles endurent, mais en même temps des romans de ce genre il y en existe déjà, comme je te le dis, on a ici, grâce à Ann Leary, un point de vue inédit.
L’intrigue est centrée sur Mary et son évolution psychologique.
Tu auras des explications concernant la situation des femmes qui vivent à Nettleton, mais pas immédiatement.
On sent que l’autrice a voulu rendre hommage à sa grand-mère.
En conclusion, Nettleton Village est une histoire triste, mais captivante, qui nous plonge dans une époque sombre de l’histoire américaine.
Ann Leary a réussi à construire un récit qui nous tient en haleine jusqu’à la fin, avec des personnages bien dessinés.
L’ambiance est oppressante, il y a beaucoup de suspens, les personnages sont peu nombreux, ce n’est pas un huis clos, mais presque.
Une lecture qui ne te laissera pas indifférente, une lecture qui invite à la réflexion sur notre passé, sur notre présent et sur notre avenir.Un roman riche, que j’ai adoré.
Nettleton village est une histoire triste, révélatrice et choquante, haletante, pleine de révélations, de rebondissements. L’histoire de deux amies, élevées au sein du même orphelinat, dont la loyauté est mise à rude épreuve lorsqu’elles se retrouvent quelques années plus tard dans un asile, l’une en tant qu’employée et l’autre comme patiente…
Dans Nettleton, village, il y a :
Une valise de cuir blanc, une grille, une bibliothèque universitaire, un langage codé, Byron, la Pennsylvanie, l’Université de Benerston, et le reste je t’invite à le découvrir en lisant ce roman si ce thème t’intéresse comme moi et que tu souhaites avoir une vision différente.
PRÉSENTATION DE L’ÉDITEUR :
1927, Pennsylvanie. Mary Engle, 18 ans, est embauchée pour travailler dans une clinique pour femmes handicapées mentales, le célèbre Nettleton State Village pour femmes faibles d’esprit en âge de procréer. L’établissement est moderne, et ne ressemble en aucun cas aux asiles sombres et miteux qu’elle avait imaginés. Elle se fait rapidement des amis parmi le personnel, et passe ses week-ends à faire des rencontres, sortir, danser, entre deux rendez-vous avec un séduisant journaliste. Plus que tout, Mary adore son travail. Elle est admirative devant sa directrice, la belle et distinguée Dr Agnes Vogel, dont elle ne cesse d’admirer son dévouement envers les centaines de patientes à sa charge. Jusqu’à ce qu’un jour, Mary reconnaisse, parmi ces femmes « faibles d’esprit », Lillian Faust, une de ses amies avec qui elle a grandi à l’orphelinat de Scranton. Lillian était une chanteuse accomplie avec un don pour les langues. Mais elle a également mené une vie « débridée » avant d’être admise à Nettleton. Mary est persuadée que son amie n’a rien à faire à l’asile. Et lorsque Lillian la supplie de l’aider à s’échapper, lui révélant ce qui se passe réellement derrière les portes de la clinique, Mary doit choisir. Croira-t-elle son amie d’enfance, au tempérament volatile et à la moralité questionnable ? Ou le docteur raffiné qui a gentiment pris Mary sous son aile ? Les choix de Mary risquent de changer le cours de sa vie… mais aussi celui de Lillian et de bien d’autres.
✩ Nettleton State Village pour femmes faibles d’esprit en âge de procréer ⟷ Ann Leary ⟷ 453 pages ⟷ Éditions Faubourg Marigny, le 10 mai 2023✩
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