Si je dois te trahir de Ruta Sepetys

Si tu t’imagines que le personnage le plus effrayant de Roumanie est Dracula, tu te trompes.
Tu vas découvrir dans ces pages le véritable monstre de la Roumanie.

J’avais 11 ans quand cette dictature a été révélée à la TV, j’ai encore des images dans la tête de ce que je voyais aux journaux télévisés, pour autant j’étais trop jeune pour comprendre l’ampleur de ce mouvement.
Je n’avais pas encore lu de livre sur ce pays, cette période, ce qui a mené à cela et ce qui a été fait ensuite.

Un pays de 23 millions de personnes.
23 millions de personnes qui ont peur.
Qui ne font confiance à personne, même aux membres de leur famille.
Tous sont contractés en permanence. Tous chuchotent.
Tout est chuchote même les cris, même les blagues.
Tous sont obéissants.
Ils font ce qu’on leur impose.
Ils suivent les règles du régime.
Déroger aux règles est trop dangereux pour soi et ses proches.

En Roumanie, même les pensées sont interdites.
Écouter une radio illégale, vouloir apprendre l’anglais pour comprendre les chansons diffusées sur cette radio clandestine « voice of America »

Ils ont peur tout le temps.
Il y a les agents de la securitate, reconnaissables à leurs habits noirs et leur Dacia noires, mais il y a surtout les espions qui eux sont indétectables.
C’est ton ami, ton voisin ou même quelqu’un de plus proche.

Tant de règles et tant de gens prêts à dénoncer la moindre petite règle non suivie.
Ils n’ont pas le choix de refuser ou d’accepter d’espionner, s’ils refusent, les conséquences touchent tous ceux qu’ils aiment.

Un grand-père malade, un adolescent terré dans un placard qui écrit des pensées interdites, où il exprime ses opinions, ses observations et ses questions sur la Roumanie.
Un père qui n’est plus qu’un fantôme, il travaille et il se tait.
Une mère au visage tendu en permanence et une sœur de plus en plus maigre
Voilà la famille de notre héros.

Cristian vit dans un mensonge perpétuel qui le fait souffrir, il se déteste.
Plongé dans un dilemme insoluble, il ne veut pas être un informateur, mais il ne veut pas non plus que son grand-père meure. Que faire ?

« La culpabilité marche à quatre pattes. Elle rampe, elle vous enveloppe, elle s’agrippe à vous. Elle appuie ses pouces sur votre gorge et puis elle attend. »

Dans son carnet Cristian cherche au plus profond de lui, il examine la vie, se pose des questions interdites à prononcer à voix haute.
Son souhait donner une voix à son pays.

« M’entendez-vous ?
Lancer des plaisanteries
Rire pour cacher que je pleure
À l’idée qu’on nous vole notre présent
Avec de fausses promesses
D’un avenir encore plus faux »

Ils vivent dans le noir, ils ne sont plus que des ombres
Sa sœur, son soleil et Liliana son rayon de lune.
Deux femmes. Des astres qui chassent les ombres de Cristian.

Les rues sont sinistres, les coupures d’électricité fréquente, les longues files d’attente.
Les vêtements sont fripés
Les visages sont fripés
Les âmes sont fripées.
À qui peut-on parler ? À qui se confier ?

Je me pose cette question, aujourd’hui adulte, comment les dirigeants de ce monde ont-ils fermé les yeux. Pourquoi ?
Cette période de l’Europe est bien sombre, je connais mal l’histoire de cette époque.
Cela m’a donné envie de lire plus de livres, de documents sur le régime roumain, mais aussi hongrois, sur le communisme de cette époque pas si lointaine !

Si je dois te trahir est parsemé de rebondissements, de nuances, de faits inattendus.
Cristian et son grand-père des exemples à suivre.
Je ne peux que te dire de lire ce dernier roman de Ruta Sepetys !!

Si je dois te trahir, c’est :

Une canette de coca comme cadeau de Noël, des chiens errants redevenus sauvages, des Dacia noir synonyme de danger, du shampooing à la banane, un moment de silence où soudain tout disparaît où les ténèbres ne sont plus lugubres, mais complices.
Le mouvement Solidarnosc, la station de radio Radio Free Europe, une seule doubleuse de film, un bâillon invisible, des églises sur rails, l’Allemagne de l’Est, la pérestroïka, la révolution de velours, Nadia Comaneci

Vous souviendrez-vous de ce garçon aux ailes d’espoir
Attachées dans son dos
Qui n’a jamais pu les déployer
Qui ne saura jamais ce qu’il pourra devenir
Ce que nous pourrions tous devenir,

Ruta Sepetys par son narrateur, Cristian, te parle de la chute du communisme en Europe, elle te parle de l’endurance et du courage des Roumains

L’étude du passé est la porte d’entrée sur notre histoire collective et sur l’histoire de l’humanité.
Les romans historiques permettent d’explorer des éléments sous-représentés et d’éclairer des pays sur une carte
C’est diriger de la lumière vers les recoins obscurs du passé
Donner une voix aux oubliés de l’histoire.

L’histoire est nuancée, complexe.
Elle ne se laisse pas ranger dans des catégories clairement définies.
Ruta Sepetys te montre toutes les nuances de ce pays, mais de d’autres aussi.

Je te conseille chaque roman :

– Le sel de nos larmes est un récit poignant sur le naufrage du Wilhem Gustloff, torpillé en 1945 par la marine soviétique
– Big easy est une plongée dans l’univers de la Louisiane dans les années 50
– Hôtel Castellana te raconte les heures sombres de l’Espagne sous le régime de Franco
– Enfin, ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre raconte la déportation en Sibérie d’une jeune fille lituanienne et sa famille.
Je te les conseille tous, que tu sous adultes ou adolescents ces livres sont à découvrir.
Ils permettent plusieurs lectures suivant l’âge que l’on a

✩ Si je dois te trahir   ⟷  Ruta Sepetys ⟷ 384 pages ⟷ Éditions Gallimard jeunesse, le 2 mars 2023✩