PRÉSENTATION DE L’ÉDITEUR :
Après le succès de Et soudain, la liberté, co-écrit avec Evelyne Pisier, voici le nouveau roman de Caroline Laurent. Au coeur de l’océan Indien, ce roman de l’exil met à jour un drame historique méconnu. Et nous offre aussi la peinture d’un amour impossible.
Certains rendez-vous contiennent le combat d’une vie.
Septembre 2018. Pour Joséphin, l’heure de la justice a sonné. Dans ses yeux, le visage de sa mère…
Mars 1967. Marie-Pierre Ladouceur vit à Diego Garcia, aux Chagos, un archipel rattaché à l’île Maurice. Elle qui va pieds nus, sans brides ni chaussures pour l’entraver, fait la connaissance de Gabriel, un Mauricien venu seconder l’administrateur colonial. Un homme de la ville. Une élégance folle.
Quelques mois plus tard, Maurice accède à l’indépendance après 158 ans de domination britannique. Peu à peu, le quotidien bascule et la nuit s’avance, jusqu’à ce jour où des soldats convoquent les Chagossiens sur la plage. Ils ont une heure pour quitter leur terre. Abandonner leurs bêtes, leurs maisons, leurs attaches. Et pour quelle raison ? Pour aller où ?
Après le déchirement viendra la colère, et avec elle la révolte.
Roman de l’exil et de l’espoir, Rivage de la colère nous plonge dans un drame historique méconnu, nourri par une lutte toujours aussi vive cinquante ans après.
Qu’en ai-je pensé immédiatement?
Révolte, c’est le mot qui me vient d’emblée en refermant ce roman.
Je suis révoltée de ne rien savoir de cette partie de l’histoire qui débute en mars 1967, un jugement a eu à La Haye en février 2019 et le combat continue encore aujourd’hui il suffit de faire quelques recherches sur internet pour s’en rendre compte.
La genèse du livre
Caroline Laurent écrit ce livre pour sa mère et tous les Chagossiens en exil.
C’est sa mère qui lui racontait, enfant, l’histoire de ce peuple insulaire.
La genèse de ce livre c’est des souvenirs de son enfance :
» C’est une histoire que me racontait ma mère. Pas un conte pour enfants ni une fable, non, une histoire vraie, qu’elle grattait de temps en temps comme une vilaine plaie. Une tragédie insulaire. Les mères connaissent les berceuses et les sortilèges. Parfois aussi, d’une lumière dans le regard, d’une fêlure dans la voix, elles se trahissent. L’enfant devine un secret. Perçoit la colère. En grandissant, les contours se précisent, s’affirment jusqu’à devenir parfaitement nets : ce secret, c’est celui d’une souffrance. D’un arrachement. Une fille ne laisse pas sa mère souffrir. Alors elle écrit. »
Te rends-tu compte ?
Que ferais-tu si, un jour, un détachement de soldats te délogeait du seul endroit que tu as connu sans aucun retour possible ?
Ces hommes, femmes et enfants ont été traités pires que du bétail.
Sacrifiés sur l’hôtel du capitalisme.
Un accord secret entre les États-Unis et l’Angleterre au milieu de l’indépendance de Maurice.
Un archipel, colonie des Anglais : l’archipel des Chagos.
Honnêtement je n’en avais jamais entendu parler. J’aurais dû pourtant. 25 février 2019. La Cour de La Haye rend son avis consultatif. Consultatif !
Le roman et son intrigue
L’histoire dramatique de Chaos débute en août 1967. Ramgoolam devient le premier dirigeant de la Répulique Mauricienne. Après 157 ans de présence coloniale britannique. L’archipel des Chagos dépend de Maurice, il sera sacrifié sans que les Chagossiens le sachent. L’indépendance de Maurice est à ce prix, que Chagos reste aux mains des Anglais.
Dont Diego Garcia, que les Anglais ont loué aux Américains pour cinquante ans reconductibles. Un projet de base navale était à l’étude. 3 millions de livres en échange de Chagos. Les îlois, eux, n’auront même pas un logement correct. Rien. Ni école ni information. Rien !
Caroline Laurent explique la situation des îlois en mêlant une magnifique histoire.
Celle entre Marie, née à Diego Garcia et Gabriel, né à Maurice.
Elle nous entraîne au gré des périodes de l’Histoire, des rebondissements de l’histoire de ses deux héros.
On apprend leur culture, celle de cet archipel et celle de Maurice.
Le clivage toujours existant entre les différentes ethnies cohabitantes sur l’île. Hindous, catholiques, chinois et musulmans. Le métissage qui est encore très mal perçu dans certaines familles.
C’était une immersion totale dans cette langue qui chante.
J’ai lu au rythme des tambours et des ravanes.
Comme pour « Et soudain,la liberté » l’auteure m’a envoûtée.
J’étais pieds nus à côté de Suzanne, Josette, Angèle, Marie-Gros-Pieds.
J’entends le son produit par les coupe-coupe, le bruit du ressac. l’odeur du coprah.
J’entends ce cri de nouveau-né puis ces pleurs qui m’ont déchiré le cœur quand on vient les déraciner, les emmener loin de chez eux.
Que fait un arbre sans racines ? Il meurt.
Ce ne sera pas le cas de Marie.
Toujours le poing brandi, elle veut qu’on lui rende Diego. Diego qu’on lui a enlevé à elle et à tous les natifs.
En résumé :
Une lecture envoûtante et déchirante une histoire véridique et une fiction basée sur des faits réels révoltants.
Comment le monde a-t-il pu laisser faire ?
Comment le monde laisse-t-il encore tout passer sous silence ?
Je me dis aussi ce soir, en écrivant cet avis à chaud, combien d’histoires ne connaissons-nous pas.
Combien de tragédies sont ignorées par et pour les politiques actuelles ?
C’est à ça que servent les livres, ce livre est un témoin, un passeur d’histoire.
Un roman à lire pour le devoir de mémoire. Une mémoire pleine de ces déchirants événements,dont on ne semble tirer aucune leçon d’humanité.
L’histoire d’un peuple volontairement oublié, chassé, anéanti. Ils n’ont plus rien juste leurs voix à faire entendre.
« Je me souviens des couleurs. Le reste, vidé, oublié. Le soleil descendait dans la mer et la mer n’était plus bleue, mais orange. Le rouge des femmes. Le noir de la cale. Nos peaux tassées. Le gris cendre d’un chien. Je me souviens du vert, du beige et du kaki. Et au milieu de tout ça, les pleurs de ma mère. »
Marie, l’héroïne du livre
Marie, femme forte, libre. Marie, femme lumière. Femme ardente. Ensorcelante. Dès le début, on s’y attache à cette héroïne. Une femme toujours digne même quand elle devra laisser sa plage bien aimée pour les bidonvilles de Maurice. À Maurice rien n’est prêt pour les accueillir. Ce sont les oubliés, les laissés pour compte.
Marie tellement fière de son amour pour Gabriel, le Mauricien, de leur fils, Joséphin. Joséphin qui se fait narrateur de temps en temps. Il nous raconte son voyage vers La Haye.
« Je dirai aux juges d’où je viens. Je leur parlerai d’un pays qui laissait vivre ses enfants, qui ne les affamait pas, qui respectait leur mémoire. Mon pays volé. Je leur ferai entendre la fêlure dans la voix de ma mère. Je leur dirai pourquoi ma vie n’est pas de vivre, mais seulement de me battre. Pas une vie gâchée, non. Une vie donnée. Dédiée. Je lutte depuis le premier jour. C’est inscrit en moi.
Les vagues s’échouent sur la plage, elles vont et viennent en emportant tout. Mon cœur aussi.
Je voudrais t’en dire tant et plus, tellement cette histoire m’a bouleversée, mais je voudrais que tu la découvres par toi-même, au gré des événements historiques qui ont eu lieu et pourquoi les Chagossiens n’ont toujours pas récupéré Diego Garcia et Peros Banhos.
« La religion comptait beaucoup. On faisait nos prières et souvent, avec ma sœur et les petits, on allait fleurir la tombe de nos ancêtres, surtout celle de ma mère. « Quand on a été forcés de partir, on a perdu nos biens matériels et immatériels ; on a perdu nos emplois, notre tranquillité d’esprit, notre bonheur, notre dignité, et on a perdu notre culture et notre identité. »
Le livre
C’est un roman qui se lit comme un conte, une fable cruelle, mais elle n’a rien d’inventé.
Caroline Laurent rend une part de lumière à une population qu’on a voulu laisser dans le noir. Dans l’ignorance la plus totale.
Roman de l’amour. Roman de révolte. Roman des oubliés. Roman de l’espoir. Roman profondément humain. Roman lumineux. Roman bouleversant. Roman des déracinés. Roman révoltant, mais tellement important. On ne pourra plus dire qu’on ne savait pas.
« Ils savaient et ils se sont tus. Ils pouvaient aider, et ils ne l’ont pas fait. Ils ont asséché les corps et les esprits. Leur indifférence était un crime. Les puissants, Maman, ces ombres fantomatiques qui hantent les palais. Des hommes qui dorment la nuit sur leurs deux oreilles. Des serviteurs de l’État. Des têtes couronnées. Nos seules couronnes à nous étaient celles de nos morts. »
Mon premier coup de cœur 2020.
Je n’ai pas la beauté des mots de l’auteur pour te donner mon avis, je t’écris mon émotion, mon ressenti brut juste après la lecture.
Merci Caroline Laurent d’offrir un pays vaste et immense à ces apatrides, leur prêter la voix pour que nous puissions hurler à notre tour cette injustice du XXIe siècle. Les Chagossiens sont désormais en moi, ils seront en chacun des lecteurs.
✩ Rivage de la colère ⟷ Caroline Laurent ⟷ 256 pages ⟷ Les escales, le 9 janvier 2020 ✩
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Nanette dit
Coucou ma souris chérie. Je ne connaissais absolument rien du destin des Chagosiens avant de lire ton article et je suis outrée qu’une telle injustice soit encore aujourd’hui passée sous silence ! Ce roman rejoint assurément ma wishlist. Il est essentiel de ne pas oublier la souffrance et le sacrifice de ce peuple et de nous renseigner, de garder en mémoire tout ce qu’ils ont subi. On est si peu voire pas du tout informés sur tant de choses, c’est juste affolant…