PRÉSENTATION DE L’ÉDITEUR :
Ayant fui Téhéran pour échapper à la Révolution Islamique de 1979, Hashang, Roza et leurs trois enfants tentent de reconstruire leur vie dans le petit village de Razan, au cœur de la région montagneuse de Mazandaran. Mais personne n’échappe longtemps à la violence et au chaos… et la répression finira fatalement par les rattraper.
Djinns, démons, sirènes et fantômes côtoient dictateurs et bourreaux dans ce texte empreint de réalisme magique à la manière d’un poème perse.
Le récit commence par la mère, Roza, qui a élu domicile au sommet d’un chêne.
De là, elle peut poser un regard neuf sur son existence, sur celles des membres de sa famille, sur son pays, sur sa ville qu’elle a quittée, Téhéran.
Ils ont déménagé pour un village loin de toutes routes, de toutes civilisations, dans la province du Mazandéran, à Razan.
Pour elle, il y a un avant après l’invasion arabe, bien avant la révolution.
Elle refuse de se rendre ailleurs que chez elle sinon elle sera obligée de porter le hijab.
Elle haït tellement la vie d’après la révolution qu’elle se protège des souvenirs du passé.
Hushang, son époux, a été élevé dans la richesse ; une maison immense où se mêlent tant anciens et moderne, où se rencontrent le Perse Kadjar et l’Iran Pahlavi
« La vie c’est ce que nous nous acharnons à détruire : l’instant présent qui porte en lui le passé et le futur, comme les lignes de la main, comme les nervures d’une feuille (…) »
Tu vas rencontrer les membres de la famille. Outre Roza, il y a Hushang, Betta, Sohrab, et la narratrice, la plus jeune de la fratrie.
Shokoofeh Azar te raconte les mises à mort qui ont lieu à Evin. Mis à mort alors qu’ils n’ont commis d’autres crimes que lire des pamphlets interdits ou de distribuer des tracts… la plupart ne sont que des enfants.
Elle te rappelle ou t’indique les dates clés comme celle du 29 juillet 1988, le début de la 1re vague d’exécution de moudjahidines du peuple et de détenus communistes ; à la mi-septembre, plus de 5000 personnes ont été mises à mort à Téhéran !
Ce récit ne plaira pas à tout le monde, car il est très lyrique. Il y a beaucoup de symbolisme par exemple l’hirondelle :
L’hirondelle est le symbole du renoncement et de la bonne compagnie en Islam ; elle est appelée l’oiseau du paradis.
Chez les Persans, le gazouillement de l’hirondelle sépare les voisins et les camarades ; elle signifie solitude, émigration, séparation, sans doute à cause de sa nature d’oiseau migrateur.
J’ai été chercher cette information ; elle prend tellement de sens une fois que l’on connait sa signification !
Le chiffre 40 revient à plusieurs reprises.
Dans toutes les sociétés antiques, il signifie un moment d’introspection censé déboucher sur un changement profond.
C’est tellement juste et fort quand tu lis les différentes interprétations des images que l’autrice dissémine dans son texte
Dans « Quand s’illumine le prunier sauvage » tu vas croiser un homme aux yeux tristes ; un chasseur arrivé de la forêt du Mazanderan, des lucioles et des hirondelles, une cabane dans les arbres, un grenier rempli de trésors, de la neige noire, un palais de miroir, des arbres à soie orné de clochettes.
Un jardin enchanté.
Une libellule bleue et un oiseau du bonheur
Outre l’histoire, l’autrice te raconte comment les gens, surtout les jeunes, mais pas uniquement ont suivi le mouvement.
L’endoctrinement qui arrive jusque dans les villages les plus reculés ; des villageois qui jusque là ne s’inquiétaient que de la météo pour leurs récoltes.
Le fantastique côtoie le réel, la mort côtoie la joie, la tristesse est remplacée par les rires, les absents deviennent des djinns, les descriptions de corps en putréfaction côtoient l’espoir.
La ferme des animaux côtoie Scarlett O’Hara et Baudelaire,
Énormément d’espoir et de joie transpirent de ces pages autant que des larmes qui ont été versées et seront encore versées par des familles de disparus dont le seul tort aura été de désobéir à l’ordre établi.
Femmes enceintes ; adolescents, jeunes hommes, enseignants, ouvriers ou politiciens, policiers ou paysan, nul n’est épargné quand il s’agit de « désobéir » ou pire, faire entendre sa voix
L’autrice questionne : comment un homme qui se destinait à être charpentier est-il devenu un tyran ?
C’est troublant de se plonger dans les pires craintes de Khomeiny et de lire les réminiscences de son passé. Quand il est enfant, puis adolescent ; à ce moment innocent…
Pourquoi ?
Pourquoi ?
Pourquoi ? Ce pourquoi tu vas te le poser tellement de fois comme nos personnages.
Où vont les rêves ?
Shokoofeh Azar te rappelle de célébrer la vie, de la vivre pleinement et en souriant, car nous sommes vivants.
Dans ce roman, il est question de sensualité, de sexualité, de féminisme. Un roman très engagé, rassurant, rempli de poésie, de paraboles.
De vie après la mort.
De djinns et d’elfes, de papillons de nuit géants, d’araignées-oiseaux, de papillons bleus.
Les allégories succèdent aux métaphores pour laisser la place aux légendes et aux paraboles.
Des chapitres entiers sont destinés à ces paraboles.
Tu pourras en tirer une leçon de chacune d’entre elles.
C’est aussi un roman contemplatif.
Tu vas voyager à Ispahan, puis Nain ou Kashan.
Je ne connaissais aucun de ces lieux, je les ai découverts à travers les yeux des protagonistes.
Depuis la fabrication des tapis, jusqu’à l’élevage des vers à soie, sans oublier les conditions de travail désastreuses. Shokoofeh Azar t’explique tout, mais toujours avec beaucoup de beauté, de merveilleux.
Tu vas lire Téhéran et ses mollahs ; ses riches citoyens, ses soldats du Hezbollah, ses prisonniers politiques et les sans-abris.
Tu entendras parler des bassidjis, ce sont de jeunes volontaires qui forment une milice mise en place après la révolution iranienne.
Dotés de pouvoir de police, ils assurent le respect de la loi et des bonnes mœurs, ils empêchent les rassemblements des dissidents.
Ils fouillent les voitures à la recherche d’objet, non pas dangereux, mais interdit comme l’alcool, des cassettes audio ou des enregistrements de discours de Massoud Radjavi, de Nourredin Kianouri. Des noms qui te sont certainement inconnus, mais moi je suis allée chercher sur internet, ce roman m’aura vraiment appris à connaître de nombreux faits, lieux et personnes.
De ces pages surgit un air lourd du chagrin causé par les événements sinistres, un chagrin si palpable que même les libellules et les papillons ne volent plus sous les fenêtres de la maison.
La famille que tu suis n’en peut plus.
Peut-être que les gens y arrivent. Peut-être que tout le monde ajuste son seuil de tolérance au degré croissant de barbarie que reflètent les événements plus violents jours après jour.
La famille dont tu partages le quotidien n’arrive pas à assister passivement à tant d’arbitraires, d’injustices révolutionnaires, d’iniquité revancharde.
Ils ne veulent plus regarder les diffusions des mises à mort quotidiennes.
C’est pour ça et d’autres raisons qu’ils sont partis ; pour ne plus subir télévision, ni journal, ni sœurs garantes de la moralité armées de fusils portant le hijab pour combattre le vice.
Ils ne demandent qu’à disparaître en silence de cette page souillée de l’histoire de Téhéran.
Une page de plus en plus violente, meurtrière et haineuse.
Le roman est aussi un hommage à la littérature en général puisque d’innombrables œuvres d’auteurs iraniens et internationaux sont dévorées par les personnages avides de lecture.
Tu liras aussi les trésors antiques pillés, détruits.
La peur logée dans les cœurs, des cœurs de mères devenus d’immenses cimetières des plaies béantes qui jamais ne se refermeront.
Empreint de tristesse et de chagrin, mais aussi lumineux et plein d’espoir.
Le livre est rempli d’humanité, de pardon et d’humilité.
De cultures diverses et riches.
Un roman qui rassemble les cultures.
Les cognassiers du Japon et le jasmin jaune côtoient les cafards et les mouches sur les cadavres.
La sensualité côtoie la barbarie
Les croyances populaires suivent les mythes d’autrefois.
Shokoofeh Azar t’offre un moment de rêveries.
» Quand s’illumine le prunier sauvage » c’est le réveil du corps de la femme, un corps magnifié et non plus pointé du doigt.
Shokoofeh Azar aborde tant de sujets tabous en orient, mais aussi en occident.
Un livre engagé, féministe, humaniste, tourné vers l’autre et ses différences qui enrichissent et qui ne divisent pas comme c’est le cas le plus souvent.
Il y a tellement de thèmes, de sujets dans ce roman dont je voudrais te parler.
Ce n’est pas une lecture évidente. Ni simple ni rapide.
Il te faudra le temps de t’imprégner de son originalité, de lire entre les lignes, de comprendre le sens des différentes paraboles, des poèmes, des images et des symboles.
Pour moi, c’est un coup de cœur, un livre que je conseille de lire absolument encore plus en cette période quand on voit ce qui se passe à Kaboul… . je crois que cela m’a encore plus bouleversé de le lire à ce moment-là.
Un livre qui pourrait être intemporel et universel tellement il parle de tellement de peuples différents.
L’autrice parle en priorité du peuple iranien, mais pas uniquement.
J’ai été touchée dans mon corps de mère, de femme, de citoyenne du monde, de lectrice.
J’ai pleuré et souri.
J’ai énormément réfléchi.
Ce roman mérite une seconde lecture et même une troisième.
Certaines pages je les ai lues 3,4 et même 5 fois pour les comprendre dans leur entièreté.
Tu peux te contenter de lire le récit comme un conte sans chercher plus loin ; c’est une grande force du livre ou tu peux faire comme moi.
Effectuer beaucoup de recherches qui vont t’enrichir culturellement, émotionnellement et philosophiquement.
S’il y a eu un avant après la révolution islamique il y aura eu pour moi cette année un avant après la découverte de « Quand s’illumine le prunier sauvage » de Shokoofeh Azar
Dans ces pages, tu vas croiser Remedios, Huckleberry Finn, Mauricio Babilonia. Tu vas entendre les hurlements solitaires de Rebecca quand le feu noircit ses pages, les protestations de André Breton.
Tout se consume.
De la ferme des animaux à l’Histoire de la civilisation de Will Durant, de 100 ans de solitude à l’Histoire de Baïhaqi.
Du vieil homme et la mer à la Divine comédie, de l’Étranger à Hamlet, du petit prince aux poèmes de Hafez.
Toutes ces voix, tous ces livres qui sont le corps et l’ame de leur famille sont désormais réduits en cendre, brûlés, interdits.
Toutes les voix dissidentes réduites au silence.
Comment réagir aux avalanches de nouvelles effrayantes quand tu vis reculé de la civilisation, que tu vis simplement de tes terres, tes animaux, quand tu vis entouré de ta famille et de champs à perte de vue ?
Comment comprendre des mots tels qu’islamisation, révolution, lois religieuses, guerre feront désormais partie de ton vocabulaire ?
Shokoofeh Azar te montre le processus de recrutement de ces jeunes exaltés par les discours, eux qui n’ont connu jusque là que la forêt, le travail de la terre, la misère.
Eux qui n’ont jamais vu une route asphaltée, des armes, une ville, une voiture.
« Après tout, si la vie est tellement décevante et ordinaire, pourquoi l’imagination ne pourrait-elle pas repeindre la réalité en couleurs ? »
Outre tout ce que je viens de te dire, il y a encore les changements de régime au cours de ces dernières années ou siècles et qui ont bousculé bien des destinées
Tous ces gens obligés de fuir pour survivre
» Quand s’illumine le prunier sauvage, c’est l’exil, l’amour, la mort, l’enfance, la censure, tous les jardins d’autrefois, les demeures historiques, les objets anciens et artisanaux, les trésors nationaux et les autres produits de milliers d’années de cultures, de pensées, de civilisation iranienne, tous détruits, pillés.
C’est surtout la lecture comme ultime rempart.
C’est fort et intense !
Un voyage merveilleux et terrifiant dans l’histoire et le folklore iranien.
Quelques mots sur l’autrice :
Née en Iran en 1972, Shokoofeh Azar est journaliste.
Arrêtée plusieurs fois pour ses articles sur les droits de l’homme critiquant le gouvernement théocratique d’Iran, elle décide de fuir le pays. Arrivée en Australie dans un camp de réfugiés, elle obtient l’asile politique en 2011.
Dans les forêts de Mazandaran, son premier roman écrit en farsi a été finaliste de plusieurs prix littéraires prestigieux.
✩ Quand s’illumine le prunier sauvage ⟷ Shokoofeh Azar ⟷ 320 pages ⟷ Éditions Charleston, le 24 août 2021 ✩
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cecilia_cherieblossom dit
Je le lis dans quelques jours j’ai hâte !
meslivresdepoche dit
ce roman a l’air tellement fort, et je pense que le côté contemplatif et lyrique apaise un peu les sujets difficiles qu’on peut y lire, j’ai hâte de le sortir de ma pal 🙂