Jakarta, un bateau de pêcheur au lieu d’un paquebot si chargé qu’une seule vague aurait pu tous vous noyer.
Le paquebot promis à Atay n’était qu’une photo.
« Promets-moi, où que tu ailles, qu’on restera en contact »
Une promesse sur le bateau qui t’emmène vers ce monde nouveau.
Pourquoi ses parents ont-ils quitté l’Afghanistan, Fizureh ne le sait pas.
Ma chère Firuzeh, rien ne te sera épargné parmi tous tes malheurs figurent le déracinement, la faim, un cyclone… .
Même pas 10 ans et déjà tout ça derrière toi, sur tes épaules.
Car tu es la fille.
Leur fille sur qui ils comptent.
Érythrée, Syrie, Pakistan, Iran, Somalie, Vietnam, tous ces peuples sur les routes en quête d’une vie meilleure pour leurs enfants, d’un travail pour aider leur famille
qui peut leur reprocher cela ?
Le déracinement, la peur qui ne les quitte pas, le mauvais accueil et les jugements.
Mon cœur s’est autant attendri que fissuré par les épreuves que ces exilés subissent
Un trajet pour une vie meilleure synonyme souvent de voyage mortel
Nauru.
Jusqu’à la lecture de ce roman, je ne connaissais pas ce nom.
Vous êtes réduits à des numéros, traités comme du bétail.
« Je te l’avais dit, le lot des femmes de cette famille, c’est de souffrir. »
« Raconte l’histoire d’un garçon, Firuzeh. Ça, ça la rendra palpitante. Les garçons en grandissant deviennent des héros. Des soldats. Des rois. Vous, les filles… vous finissez toujours par vous marier. Et ça, c’est ennuyeux. »
E. Lily Yu te raconte l’immigration vue par les yeux d’une petite fille
Elle ne traite pas uniquement de ce sujet, ainsi tu liras aussi la place des filles par rapport aux fils, les différences de traitements, la difficulté de s’intégrer, de lier connaissance quand on peut partir d’un instant à l’autre, la difficulté des élèves quand les parents ne comprennent pas la langue utilisée par les enseignants.
J’ai eu la gorge serrée devant tant d’injustice, de cruauté.
D’autant plus serrée que je suis bien consciente que cela arrive encore aujourd’hui partout dans le monde.
Omid ton atay et Bahar, ton abay, tu les respectes et eux, font tout ce qu’ils peuvent pour toi et ton frère.
Une vie succession de coup de poing et d’humiliations, d’espoirs déchus, mais des rêves qui reviennent grâce aux histoires
Plusieurs narrateurs se partagent le récit. Parfois quelques pages, en peu de lignes l’autrice te plonge dans leur psychologie.
Que cela soit Quentin, un garde du camp, raciste ; madame Sing ou Sœur Margaret ou encore Grace.
Des vrais gentils, des cœurs sur la main et puis les autres, trop nombreux.
Des mots que tu ne devrais pas comprendre à ton âge : centre de détention, expulsion, déportation, TPV, asile, prison, bombe.
L’odyssée de Firuzeh c’est la malveillance et la cruauté du quotidien sauvé par le rire des enfants.
« Le cœur meurtri, comme orphelin. Les silences enflaient, entre chaque nouvel accrochage, jusqu’à ce que chacun se retrouve sur son île de paroles tues, séparé des autres par des océans de pensées. »
« Quand vous n’avez rien, pas même la moindre raison d’espérer, quand les chances de vous en sortir sont quasi nulles et que, non pas un, mais deux gouvernements sont contre vous, comment vous faites-vous pour rire ? Comment faites-vous pour rester sensible à la beauté ? Comment parvenez-vous encore à faire preuve de bonté et d’amour ? (…) Souffrir, c’est à la portée de n’importe qui. Mais la joie, c’est ce qui est difficile. Interroges-Les sur la joie. »
L’autrice utilise un langage imagé et poétique, des dialogues qui te redonnent le sourire pour mieux te cueillir.
Poétique, mais aussi cynique, dure, mais toujours balayée par l’innocence du petit Nour et les histoires de Fizureh.
C’est une de mes plus belles lectures de janvier. Si tu aimes les langages imagés, les fictions narrées comme un conte, si tu as envie d’avoir le cœur serré autant qu’attendri, je te conseille ce roman.
« Raconter des histoires, ce n’est pas facile. Même quand on sait comment elles doivent finir. Et vivre, c’est encore plus dur. “
Dans l’odyssée de Firuzeh, il y a :
Des légendes et des histoires, un mur de bonbons jamais mangés, des bonbons à la saveur astringente de la séparation et l’absence ; une petite fille aquatique, des rêves pleins de lumières et de bruits ; une absence qui crée un espace en forme de mère, des lettres tombées telles des étoiles filantes qui réaniment des âmes et en anéantissent d’autres. Des pies au chant différent de celles de Kaboul.
Des années effacées, un ballon coloré dans un monde de barbelés, un sourire aussi doux que des pêches au sirop. Une rivière musicale, du thé salé. Des histoires exécutoires.
Des jacarandas et des arghamwan
À lire si tu as aimé :
Quand s’illumine le prunier sauvage de Shokoofeh Azar, mon avis est ici
PRÉSENTATION DE L’ÉDITEUR :
Atay et Abay ont toujours eu la tête sur les épaules, aussi Firuzeh et son petit frère, le turbulent Nour, ne sont-ils pas inquiets lorsque leurs parents leur annoncent qu’ils quittent Kaboul. Et puis les deux enfants ont d’autres préoccupations : d’abord, s’écharper toute la journée, puis écouter les contes d’Abay, enfin se faire des copains dans le camp de fortune où ils sont parqués après leur traversée des mers. Mais alors que les jours deviennent des mois, que les gardes ne cessent de les abreuver d’insultes et de coups et que les médicaments semblent la seule réponse des adultes au malheur, Firuzeh comprend que l’enfance touche à sa fin. Accompagnée par la fantomatique Nasima, sa meilleure amie des fonds marins, la petite fille n’en est qu’au début d’un long voyage.
Un récit d’initiation tout en beauté et fragilité, où l’âpreté de la réalité tragique rencontre la poésie et la magie d’un regard d’enfant.
✩ L’odyssée de Firuzeh ⟷ E. Lily Yu ⟷ 304 pages ⟷ Éditions L’Observatoire, le 4 janvier 2023✩
0
Un petit commentaire me fait toujours plaisir, n’hésite pas 😊