Le contexte
J’avais déjà repéré le premier roman de l’autrice « Que sur toi se lamente le tigre » . Quand on m’a proposé de recevoir ce titre, je n’ai pas hésité, car tu sais que je suis passionnée d’histoire, mais aussi de tout ce qui se passe dans le monde et que les médias ne nous parlent pas forcément.
La quatrième de couverture m’a donné envie :
PRÉSENTATION DE L’ÉDITEUR :
C’est une guerre qui ne dit pas son nom. En Colombie, chaque année, des centaines de « leaders sociaux » sont tués dans l’indifférence générale. Syndicalistes, responsables associatifs,
simples citoyens voulant faire valoir leurs droits…
L’une de ces figures s’appelait Maritza. Cette mère de six enfants fut assassinée dans sa ferme isolée, au cœur d’une région où se mêlent groupes armés, narcotrafic et enjeux touristiques. Pourquoi cette mort ? Emilienne Malfatto décide de tirer le fil de son histoire.
Des Andes aux Caraïbes, ce récit est la quête d’une vérité qui ne cesse de se dérober, comme dans un jeu de miroirs, au milieu des menteurs et des hommes violents.
Une enquête sensible et un livre puissant sur la part d’ombre de la Colombie.
Qu’en est-il après ma lecture :
J’ai adoré cette enquête que Émilienne Malfatto choisit d’écrire comme si elle écrivait une lettre à Maritza, une des nombreuses victimes de cette « guerre » dont on ne sait rien chez nous.
Une missive où elle lui conte les avancées de son enquête. Emilienne Malfatto veut comprendre pourquoi Maritza a été assassinée si froidement. Qui a ordonné cette exécution car c’en est une. Qui sont le/les commanditaires ?
Je n’ai pas posé mon livre avant d’avoir lu les 135 pages.
J’ai été intéressée par l’histoire de Maritza, je me suis sentie très proche de l’autrice et de Maritza sans doute grâce au procédé d’écriture.
Elle tutoie Maritza, elle te parle, tu ressens tout. Les espoirs, les doutes, la peur, les non-dits, la peine de sa famille, tout, tu sens tout. Tu ressens tout, tu observes tout.
Mon avis :
Deux claquements secs, deux coups de feu.
Un corps qui s’affale.
Les cartouches vides tintent en tombant.
Ça s’est fini comme ça et cela commence comme ça.
Quatre balles dans le corps. À plat ventre sur les pentes de la Sierra Nevada de Santa Marta, ces montagnes qui plongent dans la mer caraïbe, là où vivent les Indiens et nichent les aigles, où poussent les plantes sacrées et celles qui rendent les hommes fous.
Là où cette histoire a commencé 15 ans auparavant.
Maritza était au départ un point sur une carte, une statistique dans un tableau sur les assassinats de leaders sociaux.
Un leader social est un terme très utilisé en Colombie, il désigne toute personne qui se consacre à La Défense ou la promotion de droits.
Les siens, une communauté, de l’environnement, de travailleurs, etc.
Quiconque, en Colombie, se met en travers de puissants, ou de leurs intérêts économiques (narcotrafic, grands projets agricoles ou miniers, etc.) est éliminé.
Il y a trop d’argent en jeu pour que la vie humaine fasse le poids.
Revenons à Maritza.
Émilienne Malfatto connaît sa fin.
Son assassinat le 5 janvier 2019.
L’autrice retrace le récit d’une vie à travers les témoignages de sa famille.
Elle a déroulé les liens familiaux comme une pelote de laine.
Elle a rencontré ses enfants, son frère, sa mère.
« En 2016, 97 leaders sociaux ont été assassinés. En 2017, 149. En 2018, 172. Et en 2019, 250. En mathématiques, on appelle ça une croissance exponentielle. On pourrait aussi appeler ça un massacre. »
Une enquête dans la Sierra là où on peut toucher les nuages.
La réalité qui t’est racontée n’a rien d’un rêve.
La Colombie le pays des trésors indiens, des villes perdues et des jaguars.
Un paradis perdu.
Une vallée où l’on croit au présage et au mauvais œil.
Des terres disputées par les narcos trafiquants ; les guérillas et les farcqs
Lentement, très lentement, l’autrice déroule le fil.
De discussions en rendez-vous manqués, de mensonges en silence.
Elle a rencontré les collègues, les amis.
Tous semblent dire « tous menteurs sauf moi »
qui dit vrai ?
Qui ment par intérêt ou par peur de représailles ?
Émilienne Malfatto va faire face à une omerta, un casse-tête.
Elle va se heurter à des paradoxes, des versions contradictoires et des mensonges, des omissions volontaires ou non.
Rien n’est clair.
Rien n’est précis, rien n’est sûr, même pas sa vie !
La vérité s’échappe dans cette jungle tropicale.
« Je n’établirai pas la vérité, et justice ne sera probablement jamais faite. Et tu tomberas dans l’oubli. Une pierre tombale dans la touffeur des tropiques. Une ligne de plus dans les registres d’un État corrompu. »
L’enquête, la lettre que Émilienne Malfatto écrit à Maritza n’empêche pas la poésie de l’autrice. J’ai adoré découvrir cette plume visuelle, une prose que l’on n’en rencontre pas souvent et qu’on ne s’attend pas du tout à croiser dans un récit d’enquête.
Emilienne Malfatto avec ce texte donne une voix à ces oubliés, elle leur rend hommage, ici elle, ils ne sont plus uniquement une statistique, un chiffre en bas de rapport.
J’ai été révoltée par ce que j’ai lu, je me suis depuis évidemment un peu plus renseignée et je t’invite à faire de même.
Soit en lisant ce texte soit en fouillant sur le net.
Tu peux aussi te renseigner sur l’autrice, cette femme est passionnante.
Emilienne Malfatto est née en 1989. Elle a étudié en France et en Colombie et est diplômée de l’école de journalisme de Sciences Po Paris. Elle a ensuite intégré l’AFP, en France puis le desk Moyen-Orient à Chypre. Depuis 2015, elle travaille comme journaliste et photographe indépendante, notamment en Irak.
✩ Les serpents viendront pour toi ⟷ Émilienne Malfatto ⟷ 135 pages ⟷ Éditions Les arènes, le 3 juin 2021 ✩
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