PRÉSENTATION DE L’ÉDITEUR :
Ils vivent dans un « terrier ». Les enfants, la mère. Protégés de la lumière du jour qu’ils redoutent. Sales et affamés, ils survivent grâce à l’amour qui les réchauffe et surtout grâce à Aleph, l’immense, le père, qui les ravitaille, les éduquent et les préparent patiemment au jour où ils pourront sortir. Parce que dehors, il y a des humains. Parce qu‘eux sont des monstres, et que tant qu’ils ne seront pas assez forts pour les affronter, ils n’ont aucune chance. Mais un jour Aleph ne revient pas, un jour les humais prédateurs viennent cogner à leur porte. Alors, prêts ou pas, il va falloir faire front, sortir, survivre. Pendant ce temps, dans une chambre d’hôpital, un homme reprend conscience. Une catastrophe naturelle sème la panique dans la région. La police, tous les secours sont sur les dents. Dans ce chaos, l’homme ne connait qu’une urgence : regagner au plus vite la maison où on l’attend.
Maud Mayeras est une auteure que j’ai découverte il y a maintenant 7 ans, en lisant Reflex paru en 2013.
Maud Mayeras a, pour moi, une manière d’écrire du roman noir/thriller tout à fait différemment des autres auteurs.
Elle explore l’âme humaine dans ce qu’elle a de plus sombre, tu vas me dire, mais ce n’est pas la seule à le faire, c’est vrai, mais la grande différence avec Maud Mayeras c’est qu’elle te fait tout vivre, tout ressentir.
Ici, j’ai été tout au long de ma lecture, que j’ai lue d’une traite sur un fil tendu, j’ai été trapéziste de lecture. Trapéziste parce que je pouvais basculer à tout moment entre horreur, peur, larme. Tu bascules d’une émotion à une autre. Tu retiens tout souffle tout le temps pour ne pas sombrer.
Il était une fois un terrier. Dans ce petit endroit sombre, froid et humide vivaient une maman et ses 2 enfants.
Ces deux enfants étaient particuliers. Ils ne pouvaient survivre à la lumière du jour. Ils étaient des monstres. Ils n’étaient pas comme les autres humains.
Un test, un jour, mené par Aleph ; le géant qui les protège, qui les ravitaille et vide leur seau de déchets ; leur a prouvé que c’était vraiment impossible de sortir. Leur peau a brûlé.
Ils étaient bien des monstres comme Aleph leur répétaient.
Pour survivre dans ce monde si un jour les humains venaient à les trouver il fallait s’entrainer. Être plus intelligent, plus rusé. Résister.
Pour cela Eine et Jung, les deux enfants, l’ainée et le cadet s’entrainent à courir, à marcher sans se cogner dans le noir.
Le réconfort ce sont les histoires qu’ils lisent et que leur mère leur raconte quand ils boivent son lait, quand ils la reniflent partout, qu’ils grognent de contentement de sentir par leur petit nez son odeur. Une odeur de maman.
« Nous grandissons en monstres. Nous apprenons en monstres. Nous nous nourrissons en monstres. C’est que nous sommes. »
Ils imaginent ce qui n’existe pas. La liberté et la bienveillance. Les journées passent entre apprentissage du langage, pompes et tractions, à grimper en vitesse dans l’abri creusé dans le mur si jamais les humains réussissaient à pénétrer dans leur terrier.
Un jour, Aleph ne revient plus. C’est à Eine de prendre en charge sa famille. Elle est la gardienne du royaume des monstres, Jung en est le roi.
Jung qui, quand il se cogne, a des coquelicots rouges qui poussent sur la neige de ses mains.
Ils ont un mantra à appliquer au cas où Aleph ne pourrait plus revenir les protéger. Aleph leur a fait apprendre ces phrases par cœur pour leur sécurité.
Entre eux et le danger, il y a 9 marches. 9 marches en ciment qu’ils n’ont plus jamais osé franchir depuis l’accident.
« Je me cache et j’attends jusqu’à ce que les humains ne représentent plus de danger. Si la faim me tenaille, que ma gorge est sèche, alors j’attends encore qu’il n’y ait plus le moindre bruit dehors. Sinon les humains me tueront. Ils me dépèceront et je ne pourrai plus voir Maman. Je me cache et j’attends jusqu’à ce que les humains ne représentent plus de danger. Si la faim me tenaille, si ma gorge est sèche, alors j’attends encore qu’il n’y ait plus le moindre bruit dehors… »
Dans le même temps, ce n’est plus le Eine qui raconte son histoire, mais un homme. Il a été emmené inconscient à l’hôpital. Dès son réveil, malgré le déluge dehors, le barrage qui risque de céder et sa faiblesse physique, il n’a qu’une obsession retourner chez lui.
C’est tout ce que je te dirai sur le livre. Entre les différents narrateurs, il y a des extraits de livres. De celui qui fait le moins peur, à celui d’horreur. Des contes et des fables. Des sorcières, un chat, des Indiens, un ogre.
Tu es pourtant bien dans un roman noir.
Maud Mayeras joue avec les peurs ancestrales, manipule ton esprit pour que tu ne saches plus si c’est la réalité ou si ç’a été inventé. Et quand tu sais, tu ne veux plus y retourner dans la réalité. Au moins, dans le terrier il n’y avait pas tout ce danger quoique le danger peut prendre bien des formes.
C’est une histoire d’amour à mort, une histoire de mort, une histoire où les personnages surtout un rêveraient de mourir, une histoire glauque. Sordide. Infâme. La nature humaine dans ce qu’elle a de plus monstrueux.
Qui sont réellement les monstres ?
Je peux te dire que ton cœur va battre de plus en plus rapidement, que la nausée va monter, que ton cœur de mère va saigner et tes larmes couler. Tu vas croire que le cauchemar est fini et que tu peux te réveiller, mais non, ce n’est que le début. Ou la fin de quelque chose ?
Maud Mayeras déroule le fil de son intrigue et te met sous son emprise totale. Tu es un peu frappé par le syndrome de Stockholm, tu aimes quand même ce livre. Tu veux continuer même s’il te fait mal, même s’il te malmène et te bouscule. Même s’il te pousse dans tes retranchements.
Le monde n’est fait que de cela, de monstres qui grouillent, qui hurlent, qui geignent, qui tuent. C’est sans fin et sous l’horreur, il y a toujours pire.
Mais dans ce roman il n’y a pas que des monstres il y a aussi Malik, Rousseau et
Saadi la légiste qui s’occupe de la mort ou du vivant douloureux. Elle ne prend ni la vie ni la donne.
Pour ce qui est de l’écriture en elle même, je me suis encore extasiée devant la prose de Maud Mayeras.
Autant sur le fond et la forme.
Sur l’intelligence de la construction du récit.
Les chapitres consacrés aux livres dans le livre m’ont emmené ailleurs, à chaque fois. Je ne te dirai rien sur ces paraboles ou allégories.
Elle t’offre un répit entre les autres chapitres ou pas.
À toi de voir, à toi de lire, à toi de ressentir. À toi de survivre sous la terre.
✩ Les monstres ⟷ Maud Mayeras ⟷ 320 pages ⟷ Éditions Anne Carrière, le 2 octobre 2020 ✩
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