Voilà la sortie du mois d’avril de Faubourg Marigny,
Un livre qui éclaire un pan méconnu de l’histoire américaine et japonaise.
Les Japonais américains ostracisés après l’attaque de Pearl Harbor et renvoyés au Japon après avoir dû rester dans des camps, et l’occupation du Japon par les États-Unis de 1945 à 1951.
Des gens expulsés et haïs par les Américains et pas accueillis, loin de là, par leurs compatriotes à leur débarquement.
Ils sont devenus du jour au lendemain des indésirables, des parias dans les deux pays.
« Allez à l’Est des Rocheuses et dispersez-vous, ou rentrez au Japon. »
Ce sont les options que le Canada a offertes aux Japonais, aucun Canadien japonais n’aurait jamais le droit de retourner sur la cote d’ouest.
Au printemps 1945, avant même la fin de la guerre, des officiers sont arrivés dans les camps d’internement avec des formulaires et accordèrent à tout le monde 3 semaines pour choisir entre « retourner » au Japon et s’éparpiller à travers des régions canadiennes inconnues.
Ils n’ont d’autres choix que de se mettre en route pour un Japon occupé.
Une conséquence de l’attaque de Pearl Harbor.
On suit 4 narrateurs.
Kondo, il est professeur le jour dans un collège, traducteur de lettre en anglais les nuits de week-end.
Aya, qui vient d’arriver des États-Unis et qui est complètement perdue parmi cette langue qu’elle ne connaît que peu et ces coutumes si différentes de l’Amérique.
Matt, qui traduit les lettres envoyées par les Japonais au général McArthur et qui veut être le plus précis possible dans sa traduction.
Enfin, on suit Fumi, une jeune Japonaise, elle a l’air toujours en colère, très autoritaire aussi.
Elle attend désespérément le retour de sa grande sœur.
Pour éloigner les autres élèves de sa famille, pour qu’ils l’apprécient, elle se moque de Aya même si au fond d’elle, elle le regrette.
À la moitié du roman, un autre narrateur fait son apparition.
Tu suis donc 2 natifs du japon et 2 émigrés des Etats unis.
On va suivre leur vie durant 1 année, jusqu’à ce que les fleurs de sakuras ont éclos.
« Elle avait découvert que tout était supportable dès lors qu’elle emballait le temps. Elle s’imaginait prendre des minutes, comme si chacune était une graine, et les placer dans des petits paquets. Une minute, puis 5, 15, 30. Une fois qu’elle avait survécu à une heure entière, elle rangeait tous les paquets de temps dans une boîte, la fermait, la poussait sur un tapis roulant qui l’emportait, comme dans une conserverie. Tenir rien qu’une minute, 1 h de plus. Un jour encore. Tenir. »
Tu vas découvrir dans ce roman :
La douleur comme bouclier
La survie au jour le jour
Les rêves d’une jeune fille de 12 ans
Le chagrin aussi.
L’inflammation fait rage, les Japonais ont faim, il est de plus en plus compliqué de travailler, de se loger et de nourrir sa famille.
La pauvreté est dans tous les quartiers : les gamins orphelins qui sont livrés à la rue, les vétérans estropiés qui n’ont nulle part où aller.
Tokyo grouille de soldats démobilisés qui ne veulent pas rentrer chez eux ou qui n’ont nulle part où aller.
Ils arrivent chaque jour de plus en plus nombreux des 4 coins de l’empire japonais.
Il y a dans ces pages un parfum de secret, le voile se lève peu à peu sur les chagrins et les traumatismes des protagonistes.
Un fond de mystère aussi, car comment ces 4 personnages vont-ils être réunis ? Quel est leur lien ?
Chaque courrier trié et traduit pour le général MacArthur est unique, des missives infusées de l’âme de leur rédacteur, de leur personnalité.
Tandis que les Américains tentent d’instaurer une démocratie, souvent maladroitement, avec une nation dont ils ne comprennent pas les coutumes,
les Japonais eux se raccrochent à n’importe quel espoir.
Ils sont tenaces.
Courageux.
Ils se tiennent debout et continuent de se relever malgré toutes les années de privations, malgré l’occupation de leur pays
Ils savent qu’ils peuvent tout perdre en un instant, chacun se débrouille comme il peut, tout se vend.
Comment est-ce possible d’être japonais et américain ? C’est une des questions soulevées par l’autrice. Les 2 nationalités sont méfiantes envers eux.
Lynne Kutsukake te montre aussi le pouvoir des mots qui peuvent tout anéantir et puis ces mots lancés : Pan-pan, Nisei, nikkeijin, le kanji, amerikajin, konketsu des mots durs, douloureux, insultants, encore une fois l’autrice te montre par ce biais le pouvoir des mots, tout comme la traduction de Typhaine Ducellier. J’adore lire cette traductrice qui saisit pour moi, l’essence de ce que l’autrice a voulu exprimer toujours en fluidité.
Qu’est-ce qu’une photo, une lettre, une poignée de cailloux peuvent signifier ?
Quel est le lien ?
Tu es très loin de l’imaginer.
Il te faudra patienter la moitié du livre, pour que les révélations arrivent.
L’autrice les distille lentement, peu à peu.
C’est un livre assez différent de tout ce que tu as pu lire jusqu’à présent sur l’immigration, l’exil.
Une approche totalement différente pour expliquer la difficulté d’intégration, la difficulté de garder ses traditions, la difficulté de garder le respect pour ses aînés avec la modernité qui arrive, la difficulté d’aimer un pays dans lequel on ne se sent pas chez soi, dans lequel on ne comprend pas les règles.
La difficulté de la double nationalité.
C’est surtout les différentes traductions du mot amour qui sont exprimées : l’amour pour un pays, pour un personnage idolâtre, pour une sœur, pour un homme, l’amour de la vie, etc.
Le roman est raconté avec poésie, à travers les 4 personnages, en traversant Tokyo et ses saisons et en comprenant comment ils seront réunis.
Quel est le lien qui peut y avoir entre ces 4 protagonistes totalement différents dans leurs âges, leurs attentes, leurs espoirs.
« Comment vivre ? Comment exister ? Jour après jour. En avançant. Et ensuite ? Vivre, c’est tout. »
Vu son titre, tu pourrais penser que tu vas lire une romance, or pas du tout.
Traducteur pour les lettres passionnées qu’envoient les Japonais à MacArthur et pour les lettres de GI’s que Kondo traduit la nuit du samedi pour les femmes japonaises désespérées d’avoir des nouvelles de leurs Américains.
C’est un texte mélancolique sur la perte, la guerre, la survie, l’amitié, l’occupation américaine, les traditions japonaises, les paysages de Tokyo et de ses différents quartiers
Dans le traducteur de lettre d’amour, tu vas trouver : une vieille photo, des éventails, de la soupe miso, des cailloux enveloppés dans un mouchoir
Tu vas déambuler dans les quartiers de Tokyo : Ueno, le parc Hibiya, Kamakura et le grand bouddha, le quartier de Ginza, Kanda, le quartier des livres (celui qui m’a le plus attiré évidemment), la love letter Alley.
Comment une photo et un tas de cailloux vont-ils bien pouvoir faire un roman ? Il te faudra lire ce livre pour le découvrir.
Pour aller plus loin sur ce fait historique, tu trouveras des informations notamment ici
PRÉSENTATION DE L’ÉDITEUR :
Après avoir passé la Seconde Guerre mondiale dans un camp d’internement, Aya Shimamura, jeune fille de 13 ans, et son père ont deux choix possibles : partir à l’est des Rocky Mountains ou être déportés au Japon.
Ils choisissent de déménager au pays du Soleil levant, mais une fois à Tokyo, ville complètement dévastée par la guerre, le père d’Aya peine à trouver du travail, et Aya elle-même, née et élevée à Vancouver, est harcelée à l’école car étrangère. À 12 ans, Fumi Tanaka a un problème : sa sœur adorée, la très belle Sumiko, a disparu. Déterminée à la retrouver, Fumi demande de l’aide à Aya : le Général MacArthur, qui supervise l’Occupation du Japon par les Américains, a encouragé les citoyens japonais à lui écrire pour lui faire part de leurs problèmes. Ensemble, les deux adolescentes écrivent au Général et remettent leur missive au Caporal Matt Matsumoto, un GI sino-américain, traducteur de ces lettres de gratitude, de supplication, de rage, de plainte voire d’adoration qui arrivent par milliers. Mais les semaines passent, sans nouvelles de Matt. Les fillettes décident donc de prendre l’affaire en mains et s’aventurent dans le monde trouble du marché noir, au sein du dangereux quartier de Ginza… Elles ne savent pas que leur professeur, Kondo Sensei, travaille la nuit, au clair de lune, en tant que traducteur de lettres d’amour, et qu’il détient la clé du retour de Sumiko.
✩ Le traducteur des lettres d’amour ⟷ Lynne Kutsukake ⟷ 360 pages ⟷ Éditions Faubourg Marigny, le 12 avril 2023✩
0
Annie Perreault dit
Tu me donnes vraiment le goût de lire cette histoire. Je crois que je vais me procurer la version numérique et la lire durant mes vacances à Cuba. Merci pour cette belle chronique. J’aime retrouver la poésie dans les romans. À bientôt ! 🙂
Souris dit
Merci pour ton commentaire Annie, j’espère que aimeras ce roman. Belle journée
AnyJann Perrau dit
Oui, j’ai bien aimé cette histoire. 🙂