Ella, quatorze ans, est couturière.
Pour son premier jour de travail, elle plonge dans ce monde de rubans, d’étoffes et de soie qu’elle aime tant.
Mais son atelier n’est pas ordinaire, et ses clients le sont encore moins.
Ella est prisonnière du camp de Birchwood, où elle confectionne les vêtements des officiers. Dans ce terrible quotidien où tout n’est qu’affaire de survie, la couture lui redonnera-t-elle espoir ?
Birchwood (nom anglais de Auschwitz-Birkenau) est l’endroit où nous rencontrons Ella, 14 ans, qui commence sa première journée en tant que couturière au studio de couture, un lieu où l’on confectionne de belles robes pour les femmes des officiers et les gardes.
Ella sait que pour survivre elle doit travailler, et si possible à l’intérieur. Elle a toujours observé sa grand-mère coudre, elle rêve qu’un jour elle aura son propre magasin. Elle met toutes les chances de son côté pour être acceptée à ce poste, quitte à mentir sur son âge.
À Auschwitz, elle n’est pas une personne, les noms et les prénoms ne sont pas autorisés, tout le monde est identifié par un numéro.
Elle découvre rapidement que pour rester en vie, elle doit travailler dur, mais avec du café liquide pour le petit-déjeuner et une soupe transparente pour le souper, il est difficile de maintenir l’énergie nécessaire pour continuer.
Dans ce camp, il n’y a pas que les gardes à surveiller ou à tenir à distance, il y a aussi une hiérarchie entre les prisonnières, chaque baraquement a son chef, chaque travail à son patron qui règne sur les autres.
Ella devient amie avec d’autres filles de la salle de couture, mais son amie la plus proche est Lily.
Je me suis immédiatement attachée à Ella et Lily, deux jeunes filles totalement opposées, si Lily est pleine d’optimisme et d’empathie, Ella est plus renfermée, parfois dure.
Pour pouvoir résister à tout ce qu’elles doivent supporter, elle enferme tout sentiment.
Quand Ella perd espoir, Lily est là.
Un soutien précieux pour Ella.
Même si Ella écrase toute émotion, elle ne perd presque jamais espoir, l’espoir de retrouver sa grand-mère et son grand-père tels qu’elle les a quittés ce matin-là en se rendant à l’école, le jour où elle a été enlevée sur le trajet à cause de son étoile jaune.
Ella s’enferme dans son monde de points de couture, de patrons de soie pareil au soleil pour ne plus voir le gris du camp, les cheminées et tout ce qui pourrait l’atteindre moralement.
Elle veut survivre en niant tout ça.
» Moi, je rêvasse, je m’imagine en train d’engloutir des bassines de sorbet au citron, des tonneaux, même ; je prends carrément un bain dans du sorbet au citron. Tous les moyens sont bons pour me soustraire à ce qui m’entoure : ne pas voir, ne pas entendre, ne pas sentir. C’est la seule manière d’endurer la réalité. »
Lily, de son côté, montre chaque sentiment. Elle aide dès qu’elle le peut comme tous ces soirs où les prisonnières de leur baraquement attendent son histoire de fées, de princesse, d’ogres, de champs de bouton d’or, d’arcs-en-ciel magiques. Grâce à son pouvoir d’imagination, elle réussit à les consoler l. Au moins le temps de son récit, elle les emmène loin au-dessus de ces barbelés qui les entourent, loin de leur réalité, même si la réalité finit toujours par les rattraper. Altruiste et toujours de bonne humeur, Lily est un véritable rayon de soleil dans la grisaille du camp.
» Lily a raison. C’est bel et bien un trésor d’ogre, récolté par des ogres modernes, des hommes d’affaires en costumes et uniformes. Au lieu d’un château ou d’un donjon de fées, ils ont construit une usine. Une usine qui transforme les individus en fantômes et leurs biens en profit. Pas moi. Ça ne peut pas m’arriver à moi ! Même si je n’ai plus mon cartable et mon joli pull en laine je suis toujours Ella. Pas question que je sois transformée en fantôme de fumée. »
Ella va décider de protéger Lily, de faire tout ce qu’elle peut pour que jamais son nom ne se retrouve sur une liste ; les listes, elles savent toutes ce que cela signifie.
« La vue du terrain -et mes rêves de nourriture -me donne une folle envie de liberté. Lily n’éprouve pas ce besoin. Elle me dit qu’elle est toujours libre grâce à cet étrange pays de contes qui peuplent sa tête. »
Je pourrais te parler des heures de ces deux héroïnes, elles m’ont toutes deux marqué très fort, pour des raisons différentes.
Tu devras lire le roman pour comprendre mon ressenti.
Le plus beau dans ce roman, hormis Lily et Ella ainsi que toutes les filles de l’atelier (Francine, Shona, Marta, Brigid, etc.), c’est l’écriture de Lucy Adlington. Même si tu comprends très vite où le roman se déroule, jamais l’auteur ne donnera de nom de lieu, de nationalité ou de religion.
Elle choisit « de mettre en lumière les différents choix moraux de chacun pour survivre.
« Ce sont les choix que nous faisons tous, à un autre niveau, dans la vie de tous les jours comme dans les situations extrêmes.
À Auschwitz, chaque personne réagissait du mieux qu’elle pouvait. Le mieux était parfois exceptionnel. Parfois, il était épouvantable. »
Tout ceci elle va te le démontrer à travers les différents protagonistes de son roman.
Parmi les personnages, tu as les honnêtes et bons, tu as ceux qui ont enfermé toute gentillesse et qui ne gardent que la rage pour tenir debout, celles dont la tristesse est tellement immense que leurs épaules et leurs dos ploient sous tant de souffrances.
Toutes sont dans ce camp, toutes le vivent différemment.
» Les individus ne sont pas faits d’un seul bois, comme le « pur soie » ou « pur laine ». Ils sont tissés avec toutes sortes de fils aux motifs complexes- écossais ou abstraits. Pour autant, je ne comprends pas comment un requin comme Marta pour se montrer altruiste. Ou comment Carla peut passer aussi facilement de l’amitié à la brutalité la plus sauvage. »
L’auteure va aussi utiliser beaucoup de symboliques ou de langages imagés pour écrire au plus près de la réalité historique sans pour autant ne montrer que de la cruauté ou de lamisère ou du malheur.
Beaucoup d’objets et aliments dont parlent Ella ou Lily sont jaunes, c’est la lumière qui remporte sur le noir du camp.
Elle te fait réfléchir sur les étiquettes que nos donnons tous, à un moment ou un autre, aux personnes que nous croisons.
Habillés, nous représentons une personne, que l’on classe comme telle ou telle, mais dans ce monde d’uniforme gris et noir qui se soucie encore de la différence entre une comtesse ou une fermière ?
La normalité n’existe plus, d’ailleurs qu’est-ce qui est normal ou pas ? Les classes sociales sont inexistantes, seuls subsistent l’espoir, la haine, la volonté ou non de survivre aux brimades et aux coups quotidiens.
Des millions de personnes réduites à néant, l’auteure réussit à montrer justement que ces gens n’étaient pas rien, pas juste des numéros ; ils avaient tous un nom et un prénom.
Elle utilise notamment la symbolique des vêtements pour t’y faire réfléchir et te le démontrer, mais aussi la symbolique des couleurs, volonté de la part de Lucy Adlington de montrer que du noir peut jaillir du jaune que de la cendre peut pousser un lys, que de la boue peut naître un magnifique tournesol brodé sur une robe en soie, la plus belle robe que nous n’aurez jamais vue.
Qu’un simple morceau de ruban rouge peut symboliser tellement d’espoir.
Je t’ai parlé des vêtements et des couleurs (d’ailleurs, le roman est divisé en 5 parties portant toutes le nom d’une couleur : vert, jaune, gris, blanc et rose, tu comprendras pourquoi en lisant le livre), mais il y a aussi l’imagerie des animaux : Ella donne aux autres prisonnières qu’elle côtoie ou croise des noms d’animaux.
Ella le renard, Lily l’écureuil, c’est tellement mieux de leur donner un nom d’animal qu’un numéro de matricule, elles ne peuvent pas s’interpeler en utilisant leur prénom.
C’est interdit et ce qui est interdit si tu désobéis cela te vaut la cheminée.
Emily Adlington signe un très beau roman plein de dignité et de beauté oui au milieu de toute cette laideur elle fait surgir des arcs-en-ciel de couleur, des feux d’artifice de bonheur, la nature en pleine éclosion symbole d’une nouvelle vie qui commence pour l’après.
Elle souligne aussi l’importance de croire en ses rêves, de se donner les moyens d’y arriver.
C’est le rêve de Ella et son futur magasin chic de haute couture qui l’a fait tenir dans ses heures les plus sombres ça et les contes fantastiques pleins de douceur, de couleur et de bonheur que son amie Lily raconte le soir au baraquement où qu’elle invente dès que Ella baisse quelque peu les bras ou se met en colère.
Lily m’a beaucoup émue tout comme Ella, l’auteure me les a rendues réelles comme Marta et ses « épingles » tonitruants.
Ne crains pas de lire un roman triste ; oui, tu auras les frissons, oui tu craindras pour nos deux amies, mais c’est surtout une mise en lumière, toute en subtilité, de comment ces prisonnières ont vécu.
Comment elles ont tenu le coup, les choix de chacune qu’on ne peut vraiment pas se permettre de juger
L’espoir de libération du camp, de la fin de la guerre est déchirant, celui de toutes les voir libres un jour te tient en haleine et te fait craindre à chaque appel.
Tu vois c’est vraiment le mot qui définit ce roman : l’espoir
En bref :
Un magnifique et émouvant roman Young adult sur l’Holococauste où parmi les milliers de prisonnières d’Auschwitz se trouve une maison de couture. C’est une fiction basée sur une réalité. La maison de couture créée par l’épouse du commandant d’Auschwitz a vraiment existé.
Une maison de couture où travaille Ella la têtue et Lily la conteuse.
Deux héroïnes différentes l’une de l’autre, amies, sœurs de misère reliée par un même mot : l’espoir et ce ruban rouge.
C’est une magnifique histoire de deux amies qui essaient juste de survivre à l’une des périodes les plus sombres de l’histoire.
Lucy Adlington signe un roman abordant un sujet lourd, avec des passages douloureux, mais qui, surtout, fait jaillir le jaune, le soleil, les étoiles, les sorbets au citron, la Ville Lumière et son pommier en fleurs.
Poétique et symbolique, l’auteur transmet par ses mots des valeurs que nous devrions tous respecter.
Son « après » expliquant la genèse de ce roman est très touchant, criant de vérité.
« Le crime haineux, malheureusement, n’appartient pas au passé.
Il est prôné en tant que politique, et aussi pratiqué de façon quotidienne par des gens qui devraient en savoir davantage.
Vous, moi – n’importe qui -, quand on divise le monde entre NOUS et EUX, nous semons les graines de la haine.
La haine se transforme en violence. Et la violence nous tue tous, d’une manière ou d’une autre.
Si nous parvenons à voir les actes de bonté comme des actes héroïques, nous pourrons empêcher à la fois la haine et la violence. J’espère. » Je l’espère aussi.
Un roman jeunesse essentiel, qui devrait être lu dans les écoles.
Vraiment à lire et à méditer.
❦ Le ruban rouge ❦ roman de : Lucy Adlington ❦ 336 pages ❦ Édition Pocket Jeunesse, en libraire le 6 septembre
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Vivi Jnx dit
Kikou tite souris j ai été ému par ta chronique et je suis partagé par l envie de lire ce livre et la peur d en avoir mal au tripes comme à chaque fois que je lis un livre sur la 2ème guerre mondiale 😢
Par compte effectivement ce genre de livre devrais être au programme des lycéens 👍
Gros bisous ma belle
Cilinette
myprettybooks dit
OLALA Comme j’ai hâte de le lire. Il me le faut et vite !! :p <3
Eliane dit
Un beau roman d’amitié, d’entraide, de douleurs, de survie, d’espoir …..
Bonjour ma petite souris, j’adore ta chronique, c’est un superbe roman à lire par tous. Bonne journée, gros bisous 😘💖