Du monde, Christina Olson n’a rien vu. Paralysée depuis l’enfance, elle vit recluse dans la ferme familiale, perchée sur une falaise du Maine. Sa seule ouverture sur l’extérieur : une pièce remplie de coquillages et de trésors rapportés des mers du Sud par ses ancêtres, farouches marins épris d’aventures, et dont les histoires nourrissent ses rêves d’ailleurs.
L’arrivée de nouveaux voisins, la pétillante Betsy et son fiancé, le jeune peintre Andrew Wyeth, va bouleverser le quotidien de cette femme solitaire. Alors qu’une amitié naît entre elle et le couple, Christina s’interroge : pourra-t-elle jamais accéder à la demande d’Andrew de devenir son modèle ? Comment accepter de voir son corps brisé devenir l’objet d’étude d’un artiste, d’un homme ?
L’art est le reflet de l’âme. Et sur la toile, Christina redoute de voir apparaître ses failles, et celle qu’elle aurait tant désiré être.
Sache avant tout, que, bien que j’ai beaucoup aimé cet autre œuvre de l’auteure, les deux romans n’ont rien en commun, si ce n’est qu’une fois de plus Christina Baker Kline part d’un fait historique réel, ici en l’occurrence il s’agit d’une peinture « Christina’s World » de Andrew Wyeth (le lien Wikipédia du peintre si cela t’intéresse)La peinture
Andrew Wyeth est un peintre du Maine, du courant réaliste, célèbre dans le monde entier. L’auteure a reçu de son père lors d’un de ses anniversaires une reproduction du tableau et c’est cet objet qui est à la base de son roman.
Christina Baker Kline essaie de coller aux faits historiques qui ont eu lieu quand c’est possible. Ainsi, la Christina, héroïne du roman, est née par exemple, à la même date que la Christina du tableau.
Les notes de l’auteure t’expliquent tout ceci et plus encore. Je ne te les écris pas toutes, car je risque de te spolier le roman et surtout je t’enlèverais beaucoup d’émotion de ta lecture. Quand j’ai commencé le livre, comme d’habitude je n’ai rien lu avant ni résumé ni recherche internet.
Rentrons à présent dans le vif du sujet : mon avis
Le récit commence en 1939, Christina est occupée à travailler sur une courtepointe quand Betsy, 17 ans, arrive à la ferme. Elle est accompagnée d’un ami qui souhaite peindre un tableau de la maison de Christina et Al, son frère. Cet ami c’est autre que Andrew Wyeth, le fils de N.C. Wyeth, l’illustrateur de L’île aux trésors. À ce moment, c’est un jeune homme, pas encore connu.
Le chapitre suivant tu retrouves dans le passé en 1896 pour comprendre l’histoire de Christina. Qui est-elle ? Pourquoi n’a-t-elle jamais quitté la maison familiale ? Pourquoi Alvaro ou Al, son frère, habite-t-il avec elle ?
L’intrigue se déroule à Port Clyde (lien Wikipédia) principalement autour de la maison de Christina. Une maison qui en devient, pour moi, un personnage à part entière du roman. Chaque pièce et objet de la bâtisse à son histoire soit en lien avec notre héroïne ou avec ses ancêtres. Tout est passionnant. De Salem à l’Irlande, des pirates et des marins, il y a une trace de leur passé dans la maison. Une maison comme un cabinet de curiosité. Par le biais des souvenirs de l’héroïne ou en plongeant dans le passé, tu apprends toute l’histoire passionnante de la famille de Christina.
Christina vit avec sa famille et sa mamey, sa grand-mère, une femme qui n’a jamais considéré Christina comme handicapée, elle l’a toujours poussé et l’a toujours encouragée dans sa curiosité du monde qui l’entoure. C’est sa mamey qui lui confie le passé de ses ancêtres.
Une jeune fille qu’on a obligée à arrêter l’école pour qu’elle aide sa mère. Son père, en en prenant cette décision, brise son plus grand rêve ; celui de devenir institutrice. Christina est « condamnée » à rester à la ferme. Même si l’on peut comprendre qu’à cette époque les parents de Christina craignaient pour elle à cause de son handicap c’est une décision horrible qu’ils ont prise là. Il n’empêche que Christina continuera à lire et se cultiver à s’interroger sur le monde même si son seul point de vue est celui de sa maison. Christina malheureusement va se « résigner » à ce rôle domestique qu’on lui a donné jusqu’à y être prisonnière, je dirais.
Très intelligente, curieuse et pragmatique, avide de savoir elle possède, surtout une volonté de fer, une résilience que peu de personnes peuvent se targuer de posséder. Ce que l’on prend chez elle pour de la fierté n’est que de la volonté d’y arriver seule. Elle est têtue et en deviendra même amère avec le temps, je ne peux pas te dire pourquoi si c’est que même dans la ferme elle n’est pas à l’abri de tous les drames qui peuvent survenir dans une vie entière.
Tu tournes les pages, tu lis les souvenirs du personnage principal. Les bons comme les mauvais. Tu te demandes aussi quel peut bien être la maladie dont elle souffre, contractée quand elle était enfant, elle ne s’en est jamais remise, elle s’aggrave même avec le temps. J’ai souffert pour elle. Le premier médecin qu’elle a rencontré toute jeune l’a torturé, il lui faudra beaucoup de temps avant qu’elle accepte d’avoir un autre avis médical. Il y a encore cette peur de souffrir, mais surtout la peur de trop espérer.
Christina refuse toute charité et pitié, et ce, durant toute sa vie. Elle ne possède peut-être pas grand-chose de matériel, mais elle possède, ce qu’il ya de plus important pour moi : la bonté et la grandeur d’âme.
Elle peut détester son corps, mais que quelqu’un lui dise qu’elle est courageuse ou la regarde d’un air peiné, c’est un volcan qui entre en éruption.
Tu vas lire avec Christina et son frère Al, les dures années de guerre avec l’engagement de John, son neveu préféré. Al et sa sœur vivent comme ils ont toujours vécu sans électricité et eau courante le black-out ne les touche pas ni les restrictions alimentaires puisque tout provient de leur terre ou de la mer.
Les personnages sont tous intéressants et charismatiques, tu as ceux dont je t’ai déjà parlé et Katie et John, ses parents. Son unique et fidèle amie Sadie Hamm. Ramona et son frère dont je ne peux pas trop te parler. Ensuite dans les années 40, Betsy et son mari Andy, peintre il passe des heures à représenter la maison de Christina. Tu rencontreras aussi Lora et Mary ses belles-sœurs.
Tous ces gens l’ont souvent plainte, mais peu ont essayé de la comprendre. Jusqu’à Andrew. Lui comprend qu’elle a été habituée à être regardée, mais jamais vue. Les gens, proches, amis ou inconnus sont inquiets pour elle, ils s’arrêtent à ses difficultés. Ils veulent l’aider, mais ce n’est pas ce que Christina attend. Avec les années, elle apprend à dévier l’attention de son corps. Intérêt pitié ou pire curiosité. Christina se montre toujours très digne et réservée, distante parfois hautaine et agressive. Peu ont compris que c’était une carapace pour moins souffrir moralement. Tout ce que Christina désire c’est être vue comme une fille. Juste ça.
Andrew et Christina tous deux des êtres pleins de contradictions. Ils mènent une vie austère, mais aiment la beauté, ils sont curieux du monde et des gens, mais restent très secrets. Ils sont obstinément indépendants, mais ils sont cependant tributaires des autres pour s’occuper de leurs besoins essentiels.
Christina Baker Kline ne se contente pas de dresser le portait d’une héroïne inoubliable. Elle te raconte la vie des hommes autrefois. Fermiers, pêcheurs, ils menaient une vide simple, mais rude. Ce qui compte pour eux ce,’est pas la richesse ou la propriété, mais la nature et tout ce qu’elle a à leur offrir.
Un roman intéressant pour la culture historique comme la fabrication de la glace et sa vente, la pêche du homard, a fabrication de la tempera (une peinture à l’eau avec du jaune d’œuf) tu auras beaucoup de références littéraires comme Emily Dickinson, TH Lawrence, Jane Austen, etc.
En bref :
Je qualifierai ce roman de roman du souvenir. Ce que j’ai préféré c’est le passé de Christina. L’amour qu’on tait par pudeur pour celui entre Al et sa sœur, l’autre amour celui qui brise le cœur.
Christina est devenue réelle à mes yeux, et ce, avant que je lise les notes de l’auteure. Un personnage très réaliste, car elle n’est pas parfaite. Christina Baker Kline ne l’épargne pas, notre héroïne va parfois avoir des réactions égoïstes.
L’auteure utilise un procédé d’écriture que je qualifierais d’intimiste.
J’ai vécu chaque situation, chaque déception et joie, chaque secret et souvenirs très forts comme si j’étais assise à côté de notre héroïne dans sa cuisine ou que j’écoutais aux portes.
Intimiste et visuel. Les descriptions paysagistes sont magnifiques et poétiques.
Un roman touchant et sensible qui mêle habilement fiction et réalité. Le livre idéal à lire cet automne avec un plaid et un thé. J’ai préféré son autre livre, mais j’ai aimé le portait dressé de cette muse malgré elle. Prisonnière d’un corps et de son héritage familial Christina n’a d’autres choix que celui d’accepter.
Dans les autres thèmes abordés, tu auras surtout celui de la famille et des sacrifices encourus pour préserver l’héritage. Combien c’est difficile de vivre isolé du monde ! Vu les années, tu te doutes que tu auras des passages liés aux deux guerres mondiales. Et cette question sous-jacente durant tout le roman : Comment mener une vie normale lorsque l’on est handicapé au début du 20e siècle dans la campagne du Maine quand il faut préserver avant tout l’héritage familial ?
Bien sûr tu a s aussi les thèmes du regard de l’autre, de l’amitié, la force de l’esprit et l’art.
Christina, victime de son handicap ? Plus que le handicap, ce sera le regard et l’attitude des autres qui empêcheront la jeune femme de mener une existence normale.
Quelques citations
« Il y a de nombreuses manières d’aimer et être aimé. Dommage qu’il m’ait fallu presque une vie entière pour comprendre ce que cela signifie. »
« Intéressant, non, ce dont l’esprit est capable ? (…) Comme le corps peut s’adapter si ton esprit refuse de se soumettre. »
« Je suis si fatiguée de ce corps rebelle qui ne bouge pas comme il le devrait. De la vibration sourde de la douleur qui ne disparait jamais complètement. (…)Fatiguée de prétende que je suis comme tout le monde. Mais admettre ce que vivre dans cette peau signifie réellement voudrait dire abandonner, et e ne suis pas prête à cela. »
« Chuchotement des épicéas noir bleuté au-dessus de ma tête, terre rocailleuse sous mes chaussures à fines semelles, l’odeur de pin, la lune pareille à une hostie dans le ciel. Certains souvenirs restent gravés dans votre esprit jusqu’à la fin de vos jours. »
« Les gens doivent saisir le bonheur quand ils le peuvent, dans ce monde. C’est toujours plus facile de le perdre que de le trouver… »
« Certains souvenirs sont des réalités et sont meilleurs que tout ce qui pourra jamais nous arriver. Peut-être bien, oui. Peut-être que mes souvenirs de temps plus doux sont assez vivaces et assez présents pour l’emporter sur les déceptions qui ont suivi. Et pour le soutenir durant le reste. »
Infos :
Rejoins nous le 18 novembre à partir de 10h pour le bookclub organisé sur ce roman. Il a lieu sur l’événement. Rejoindre le groupe Facebook : Le cercle des lecteurs Belfond : clique ici
❦ Le monde de Christina ❦ Roman de : Christina Baker Kline ❦ 325 pages ❦ Édition Belfond, collection Le cercle, le 4 octobre 2018 ❦
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leschroniquesdecoco dit
Très belle chronique Steph souris. Je commence juste la lecture. Déjà le prologue me plaît beaucoup !
leschroniquesdecoco dit
Encore une très belle chronique de ta part pour ce livre que je commence et je dois dire que le prologue me plaît déjà beaucoup.
Eliane dit
Coucou ma petite souris, merci pour cette belle chronique, c’est un roman que je lirai certainement. 😘❤️
Léna Bubi dit
Wahou ! Quelle chronique bien détaillée et intéressante, j’ai bien envie de découvrir cette héroïne, j’adore comment tu l’as décrit !!