PRÉSENTATION DE L’ÉDITEUR :
Strasbourg, 1518. Au pied de la cathédrale, dans la chaleur étouffante de l’été, une femme se met à danser. Elle danse des jours durant, infatigable, possédée, avant d’être rejointe, petit à petit, par des centaines d’autres femmes. Non loin de là, Lisbet récolte le miel de ses ruches. Auprès des abeilles, elle oublie l’atmosphère oppressante et son angoisse de perdre, une fois encore, l’enfant qu’elle porte.
Alors que la ville semble s’effondrer sous la chaleur et les pas des danseuses, le retour d’Agnethe, après sept ans d’exil pour un crime que tout le monde tait, promet de faire voler en éclats le monde tel que Lisbet le connaît. Déterminée à découvrir le secret de sa belle soeur, la voilà bientôt prise dans un tourbillon d’interdits et de passion, une mélodie à en perdre la raison…
Ancré dans une époque de superstition, ce roman, inspiré de faits réels, est le récit enivrant de ces femmes, grandes damnées de l’Histoire, mais surtout une bouleversante histoire d’amour et de résilience.
« Être une femme est une chose aussi belle que brutale »
« Les femmes les trouvent belles, radieuses, extraordinaires.
Celles qui craignent les XXI se taisent ; et les hommes eux, les pensent ou malades au mieux ou possédées »
Le contexte du récit qui me semble important de donner :
En juillet 1518, au cœur de l’été le plus chaud qu’ait jamais connu l’Europe centrale, une femme, Frau Toffea, se mit à danser dans les rues de Strasbourg.
Une danse qui n’avait rien d’ordinaire. Ininterrompue, elle dansa pendant des jours sans que personne ne puisse la stopper.
Cela a attiré l’attention des XXI ; le conseil de la ville, qui décida de la faire conduire à La Chapelle de Saint-Guy, saint patron des danseurs et des musiciens.
À la fin du 15e, le seigneur avait déjà envoyé un avertissement sous la forme d’une comète que de célèbres prédicateurs comme Jean Geiler de Kaysersberg, homme admiré par Sophey dans le livre, avaient été interprétés comme un signé de damnation.
Cette annonce plongea l’Alsace, une région que se disputaient la France et l’Allemagne, dans un état de panique attisé par la guerre, qui aux frontières opposait le Saint Empire Romain germanique et l’Empire ottoman, en pleine expansion, ainsi que deux décennies consécutives de champs décimés par les sécheresses et les inondations
Les plus démunis se retrouvèrent dans l’obligation d’emprunter à l’Église, ces juteuses Affaires semblèrent l’intéresser davantage que son rôle de représentante de Dieu
La rancœur des gens ordinaires à l’encontre de l’Église prit des proportions telles que les rébellions, emmenées par les serfs, devinrent de plus en plus régulières, faisant peser une menace permanente
Les paysans affamés qui se retournaient contre leurs créateurs et propriétaires terriens faisaient « objet d’exécutions sommaires par pendaisons
La colère montait. Les famines, les révoltes, les pendaisons se multipliaient. Et, pendant ce temps, l’Empire romain germanique se délitait sous la percée des Ottomans.
La peur de ces envahisseurs à la peau brune se mua en une haine pure entretenue par les pamphlets qui les dépeignaient en démons foulant la terre, accompagnés de mots nauséabonds que l’on reproduisait sans peine grâce à l’invention de l’imprimerie, qui eut lieu à Strasbourg.
C’est en ces temps troublés que Frau Troffea, la 1re femme que tu rencontres, se mit à danser. La vie était particulièrement rude pour les femmes du peuple, traitées comme des esclaves, privées de toute autorité au sein de l’Église comme dans tout le pays, la société ou leur foyer.
Ont-elles perdu la raison broyées par ce sort que tout le monde autour d’elle évoquait ? S’agissait-il d’un empoisonnement ?
plusieurs hypothèses écartent la simple folie et avancent l’idée d’une transe religieuse collective instiguée par les pressions que subissait le peuple (tu peux retrouver ces explications dans ce livre : Les danseurs fous de Strasbourg. Une épidémie de danse collective en 1518 de John Waller)
On remarque aisément les résonances que ce récit peut avoir avec des sujets actuels. Notamment, les attitudes à l’égard de la communauté LGBT+, des migrants, des classes sociales,
Nous avons avancé depuis le 16e, mais il reste du chemin à parcourir
Ce monde au sens large demeure, bien trop souvent, un lieu hostile pour celles et ceux qui veulent vivre, voir ou aimer différemment.
L’autrice ayant elle-même vécu plusieurs fausses couches, cela lui tenait à cœur de décrire cette expérience dans son livre. Elle parle de ce mélange particulier de souffrance et d’amour que l’on ressent quand cela nous arrive.
Lisbet est sa manière de proposer un miroir à ces femmes qui peinent à se regarder elles-mêmes, et une fenêtre à celles qui souhaiteraient savoir
Deux liens qui te permettront de comprendre davantage de ce dont je parle
https://fr.wikipedia.org/wiki/Météorite_d%27Ensisheim
https://fr.wikipedia.org/wiki/Épidémie_dansante_de_1518
https://fr.wikipedia.org/wiki/Conseil_des_XXI
Mon avis :
Au début du récit, je me demandais ce que j’allais lire, c’était étrange, il y a de nombreux personnages, on ne comprend pas toutes les allusions, car tout simplement il me manquait le contexte historique sur lequel l’autrice appuie son histoire.
Une note de bas de page aurait été bien accueillie, je pense.
Au fur et à mesure de ma lecture, je me suis complètement immergée dans le récit, je me suis fortement attachée à Lisbet puis à Ida et Agnethe.
Ida et Agnethe cachent un secret.
Sophey, la mère de Agnethe et du mari de Lisbet semble au courant, mais tout le monde se tait ;
Tout paraît étrange et mystérieux jusqu’à la moitié du récit, je dirais.
Quand tu as réponse aux questions que tu te poses, tu ne peux t’empêcher d’aimer encore plus fort les personnages.
Leurs attentes, leurs quêtes, ce qu’elles cachent est tragique et beau.
J’ai vraiment adoré ma lecture, mais j’ai dû m’accrocher.
J’ai été émue, déchirée par ce que subissent ces femmes et pas seulement les héroïnes.
J’ai vraiment été touchée par leur destin qui semble inéluctable. Plus tard, dans le récit, un autre personnage intervient, deux même, mais je ne peux pas t’en parler.
Deux protagonistes magnifiquement esquissés et qui apporte beaucoup à l’intrigue. Des personnages qui réveille tes émotions et apportent beaucoup au roman.
Je te développe tout ça maintenant.
Le roman présente une gamme diversifiée de personnages, mais trois femmes en particulier se distinguent : Lisbet, Ida et Agnethe.
Lisbet, enceinte pour la treizième fois, occupe le rôle central dans l’histoire et incarne la lutte des femmes contre la répression religieuse et sociale de l’époque.
Son désir de protéger sa famille et ses abeilles, malgré les épreuves passées, en fait un personnage admirable.
Agnethe, la belle-sœur de Lisbet, revient de sept ans de pénitence dans un couvent de montagne, cachant un mystérieux péché. Enfin, Ida est l’amie la plus proche de Lisbet, jouant un rôle essentiel en tant que confidente et soutien émotionnel.
Ces personnages bien développés apportent une richesse émotionnelle au récit, permettant aux lecteurs de s’immerger davantage dans leur monde.
Le roman explore des thèmes qui sont profondément interconnectés.
Tout d’abord, il met en lumière l’influence prépondérante de la religion médiévale, qui régentait la vie quotidienne, les croyances et les punitions.
Les femmes de l’époque étaient particulièrement vulnérables, avec peu de contrôle sur leur propre destin et souvent victimes de la répression religieuse.
Cette réalité historique fait écho aux défis contemporains auxquels les femmes sont confrontées, notamment en ce qui concerne leur santé, leur corps et leurs choix.
De plus, le roman aborde les conflits culturels, en particulier l’opposition entre l’Ouest et l’Est, liée à l’incursion de l’Empire ottoman dans le Saint Empire romain germanique et aux questions d’immigration.
Ces débats rappellent les tensions culturelles actuelles dans la société, ainsi que les questions liées à la diversité, l’intégration et les différences culturelles.
Le roman se déroule au XVIe siècle, mais il parvient à aborder des thèmes et des questions qui demeurent pertinents dans la société contemporaine.
L’oppression des femmes, leur lutte pour l’autonomie et l’égalité, ainsi que les pressions sur leur santé et leurs choix sont des sujets brûlants actuels.
La répression religieuse et la superstition évoquées dans le livre peuvent être reliées aux problèmes contemporains, notamment la manière dont la société traite certaines questions sensibles.
L’autrice parvient à rendre ce contexte historique vivant et à le rendre accessible pour les lecteurs modernes, en mettant en avant des thèmes universels qui transcendent l’époque.
L’écriture de Kiran Millwood Hargrave est très belle, mais onirique.
Elle utilise une prose élégante et métaphorique pour créer une atmosphère riche et émotionnelle.
Tu ressens la tension, les émotions et les enjeux des personnages de manière plus immersive.
Cependant, cette esthétique littéraire peut rendre certaines parties du livre plus exigeantes pour les lecteurs qui préfèrent une narration plus directe.
Certains passages sont contemplatifs. Cela dit, l’autrice ajoute une couche de complexité et de profondeur à l’histoire, elle incite ses lecteurs à réfléchir plus profondément et à saisir les nuances des thèmes abordés.
« La Danse des Damnées » est une œuvre littéraire qui réussit à mêler habilement des personnages complexes, des thèmes pertinents et un style d’écriture captivant pour créer une expérience de lecture riche et mémorable.
J’ai adoré ma lecture, elle m’a complètement convaincue autant qu’elle m’avait convaincue avec Les graciées. Tu trouveras mon avis ici.
Son écriture me correspond totalement, je pense que ce sera soit tu adoreras soit tu n’adhéreras pas et ce roman te paraîtra long voir ennuyeux.
✩ La danse des damnées ⟷ Kiran Milwood Hargrave ⟷ 360 pages ⟷ Éditions Robert Laffont, le 31 août 2023✩
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