PRÉSENTATION DE L’ÉDITEUR :
La vérité de cette histoire est morcelée, incomplète, inachevée dans le temps et dans l’espace.
Elle passe par les colons implantés en Indochine pour y exploiter les terres et les forêts.
Par les hévéas transplantés et incisés afin de produire l’indispensable caoutchouc.
Par le sang et les larmes versés par les coolies qui saignaient les troncs.
Par la guerre appelée « du Vietnam » par les uns et « américaine » par les autres.
Par les enfants métis arrachés a ? Saigon par un aigle volant avant d’être adoptés sur un autre continent.
C’est une histoire d’amour qui débute entre deux êtres que tout sépare et se termine entre deux êtres que tout réunit ; une histoire de solidarité? aussi, qui voit des enfants abandonnés dormir dans des cartons et des salons de manucure fleurir dans le monde entier, tenus par d’anciens boat people.
Avec ce livre, Kim Thuy nous découvre, au-delà des déchirements, l’inoubliable pays en forme de S qu’elle a quitté en 1975 sur un bateau.
» J’ai cherché à tisser les fils, mais ils se sont échappés pour rester sans ancrage, impermanents et libres. Ils se réarrangent par eux-mêmes selon la vitesse du vent, selon les nouvelles qui défilent, selon les inquiétudes et les sourires de mes fils. »
On commence par deux personnages qui se rencontrent dans la haine qui se transforme ensuite en amour
De ces deux êtres que tout oppose comme un effet papillon tu vas lire ce que va provoquer leur relation, mais pas uniquement.
La couverture après ma lecture m’a fait relier tous les fils (et filles) rencontré(e)s.
Une structure différente de ce que tu es habitué à lire, mais un roman que je n’ai pu lâcher, je n’ai pas voulu perdre le fil de cette toile que l’auteure a tissée, fils après fils sur cette toile tendue du temps.
On vogue d’un personnage à un autre pour finir par découvrir les liens qui les unissent.
Cela va très vite ; tu ne les croises parfois que durant 1 page, mais avec délicatesse et précision Kim Thùy dresse des portraits saisissants. Ils sont prégnants, poignants de vérité.
Un roman de peu de mots, mais quels mots !
Quelles puissance et poésie se trouvent dans ces 160 pages ! Quelle construction !
Un roman qui parle de guerre, de douleur, de souffrance. Un récit sans filtre qui ne t’épargne aucune piqure d’aiguille, un livre ou ton cœur est transpercé de part en part, mais un roman où dans chaque trou de la trame perce la lumière de l’espoir.
Ne t’attends pas à une lecture légère ni douce, c’est parfois très douloureux à lire. On ne peut pas dire que c’est de la fiction.
Les faits et chiffres sont là.
» Le mot Em existe en premier lieu pour désigner le petit frère ou la petite sœur dans la famille ; ou le plus jeune, ou la plus jeune, de deux ami(e)s ; ou la femme dans un couple. J’aime croire que le mot em est l’homonyme du verbe » aimer « en français, à l’impératif : aime.
Aime, aimons, aimez. »
Si votre cœur se serre à la lecture de ces histoires de folies prévisibles, d’amour inattendu ou d’héroïsme ordinaire ; imaginez ce que la vérité entière aurait provoqué !
Dans ce livre, la vérité est morcelée, incomplète, inachevée, dans le temps et dans l’espace.
Le seul ordre est celui des émotions.
Ce court roman-choc te provoque un désordre dans les sentiments : colère, tristesse, incompréhension, horreur.
Tu passeras de l’émotion la plus sombre à la plus lumineuse.
C’est parfois difficile de suivre le fil de la pensée de l’auteure, de retenir tous les noms des personnages vu leur quantité. À la fin du roman, toutes ces vies sont reliées entre elles.
Les mots sont d’une douceur incroyable, mais l’Histoire rapportée est d’une violence détestable. Des parcelles de vie déposées sur des pages en hommage à la complexité de l’horreur et de la bonté que l’humain peut créer.
Il y a un fil conducteur, tu en trouveras le bout en terminant le roman, le début de la bobine de fil se trouve sur la couverture. Je l’interprète comme cela : la guerre n’est pas linéaire et unidimensionnelle. Elle est confuse, intemporelle, complexe. Elle est tortueuse, elle brise, elle répare. Elle crée, elle anéantit.
Dans Em il y a : une enfance fanée avant l’éclosion telle une fleur coupée, tu rencontreras aussi un « Robin des bois » des rues.
Des familles qui se créent au hasard des circonstances et des sentiments.
L’un adopte l’autre en saisissant une main tendue pour se relever.
Ils deviennent tantes, nièces, cousins en partageant un point d’eau, un coin de ruelle, un pied de mur.
Des poussières de vie.
Des étincelles d’humanité.
L’opération babylift, la frequent wind.
Des plantations d’Hevea au vernis à ongles, tout est lié.
Des vérités sans fin sans exagérations. Des vérités brutes, mais justement, ces chapitres de peu de mots donnent une puissance très forte aux événements que tu lis, aux personnages que tu rencontres.
Tu verras en lisant ce roman qu’un arc-en-ciel peut être aussi dangereux que merveilleux.
Ce livre parle des oubliés des chiffres officiels : des veuves, des rêves avortés, des cœurs brisés.
C’est un livre patchwork, d’abord une maille à l’envers, toutes les horreurs découlant du conflit ; ensuite, une maille à l’endroit, le geste qui sauve, la résilience…
« Les Américains parlent de “guerre du Vietnam”, les Vietnamiens, de “guerre américaine”.
Dans cette différence, se trouve peut-être la cause de cette guerre.
Je découvre l’auteure par ce titre, je sais que je la relirai, car j’ai adoré sa plume certes décousue, mais à la prose si poétique, sensible et imagée.
✩ Em ⟷ Kim Thùy ⟷ 160 pages ⟷ Éditions Liana Levi, 11 mars 2021 ✩
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