Quand vient la vague
Et qu’elle emporte tout sur son passage.
Mon cher lecteur, la vague Manon Fargetton et la houle de Jean-Christophe Tixier m’a emporté au plus profond de mon cœur, j’ai échoué, emportée par un rouleau atterrissant à plat ventre sans souffle, les muscles noués sur la plage abandonnée de mes émotions.
Tu l’as compris j’ai ADORÉ ce roman.
Coup de cœur pour ce splendide roman jeunesse.
Le roman commence sur un prologue, « aujourd’hui, j’ai 17 ans, et je ne sais pas encore si ma vie s’arrête, ou bien si tout commence. Peut-être les deux à la fois ? » Ces mots sont ceux de Nina.
10 mois plus tard le livre commence sur Clément, son frère ; il a noyé la disparition de sa sœur dans l’écume des vagues.
Jusqu’à présent, il a laissé ses parents et la police chercher Nina, lui n’a pas voulu trop s’en mêler.
Son meilleur ami lui dit que lui, son frère, ne l’a jamais cherchée.
Cette phrase est un électrochoc pour Clément, il doit la retrouver et vite, car dans deux mois Nina aura 18 ans et qu’avec sa majorité, elle sera libre de ne plus jamais donner de nouvelle, les effectifs de recherche diminueront, car cela deviendra une disparition volontaire.
Clément en est persuadé elle est vivante.
À partir de ce déclic, il va prendre le dossier que sa mère a constitué avec toutes les auditions, chercher la moindre trace que sa sœur a pu laisser et surtout réfléchir au sens de la lettre que Nina lui a envoyée à lui, lui seul, quelques jours après son départ.
Quand vient la vague raconte comment le destin d’une famille unie a basculé du jour au lendemain. Une mère bibliothécaire, un père représentant d’une marque de vêtement de surf, un fils passionné et doué pour le surf et Nina une adolescente normale qui aime ses parents et mène sa vie de lycéenne avant de partir à l’université.
Tu as le pitch et l’essentiel de l’intrigue je ne veux en aucun cas te spolier.
Le duo d’auteurs fonctionne parfaitement ; je ne connais pas leur méthode de travail, mais tout le roman est fluide, rythmé au gré des recherches de Clément et de l’explication du présumé départ de Nina.
C’est intelligemment construit, car on alterne les narrateurs, cette alternance te permet de comprendre que si la vague a emporté la famille de Clément elle a aussi démoli le château de sable de Nina.
Les flash-back concernant la cause du départ de Nina et le présent avec les investigations de Clément permettent d’appréhender et de comprendre toutes les implications dans leurs vies.
Plus on avance dans le roman, plus la psychologie des personnages s’affine.
Si avant cette date fatidique où Nina n’a plus fait partie de la famille ils ne s’entendaient pas ; on comprend et on lit le profond amour fraternel qui les unit.
Par pudeur ou par habitude, ils ne se le disent tout simplement pas.
Nina charrie son petit frère sur son amour pour le surf et lui sur son ami imaginaire, son carnet dans lequel Nina écrit chaque jour trois mots.
« Qu’est-ce que c’est,une soeur ?
Quelqu’un qui a plus ou moins les mêmes gènes que vous ?
Quelqu’un qui a plus ou moins les mêmes gènes que vous ?
Quelqu’un qui a les mêmes parents ?
Un même parent ?
Quelqu’un qui a été élevé par les mêmes personnes ?
Quelqu’un qui a grandi avec vous ?
Quelqu’un qui partage les mêmes valeurs ?
Quelqu’un sur qui on pourra toujours compter ?
Il ne peut plus compter sur Nina. Est-elle encore une soeur ? »
Parlons-en des mots, quelle écriture ! J’ai été complètement emportée dans le récit. (Si tu veux une preuve que j’ai aimé un livre, il suffit de regarder le nombre de post-its que j’ai mis. Bon OK je les ai enlevés pour faire la photo, mais il y en avait beaucoup !)
Je te mets quelques phrases et réflexions qui ont particulièrement touché mon cœur de lectrice, mais aussi d’adulte, car si l’intrigue principale est la disparition et la recherche de Nina, Manon Fargetton et Jean-Christophe Tixier abordent quantité de thèmes et de réflexions, mettent l’accent sur des valeurs, ô combien nécessaire à notre époque.
Parmi lesquels : l’homophobie et la stigmatisation des gens, le rejet de l’autre parce qu’il est différent, le droit à réfléchir à ce que l’on veut dans la vie, qu’il faut apprendre à se connaître soi-même pour avancer, la vie et le temps qui passe sans que l’on s’en rende compte englué que nous sommes dans les routines, que l’on peut vivre sa jeunesse sans se poser de question ni remettre en cause quoi que ce soit puisque tout va bien, connaît-on vraiment les personnes avec lesquels nous vivons ?
Que la vie n’est pas un long fleuve tranquille et qu’une simple averse peut provoquer une inondation, un raz de marée dans ta vie que tu pensais si bien contrôler.
« Le monde dans lequel on vit est complètement dingue.
Au nom d’une norme sociale acceptée par tous, je ne lui ai pas parlé, alors que je suis sûre que cela lui aurait fait plus plaisir que ces pièces.
Échanger quelques mots.
D’être humain à être humain.
Et refuser ce merdier ambiant où chacun calcule sa petite existence dans son coin et en arrive à avoir peur d’afficher ses sentiments.
Les gens avancent masqués.
La vie ne me semble être qu’un vaste et ideux carnaval dont j’aimerais sortir.
N’y a-t-il pas moyen de vivre autrement ?
Hors du mensonge ?
Hors du qu’en dira-t-on ?
Hors de la peur permanente du regard et du jugement des autres ?
Hors de l’hypocrisie qui nous amène à exister les uns à côté des autres, sans jamais nous connaître vraiment ? »
Les auteurs mettent l’accent sur l’homosexualité à travers un personnage que j’ai adoré, Jules, il sera la bouée de sauvetage de Nina. Intelligemment abordé et parfaitement intégré dans le texte sans que cela fasse moralisateur, mais des mots, des phrases qui te permettent de réfléchir.
L’autre grand thème de ce livre c’est le poids du mensonge. Je ne peux pas trop te développer ce thème-ci, mais Manon et Jean-Christophe vont te montrer à quel point celui-ci peut être dévastateur.
Ils vont aussi te dire que tout n’est pas blanc ou noir, mais qu’il faut aussi savoir jongler avec les nuances de gris.
Ils explorent les relations humaines, dans la famille, mais aussi dans les lieux où se déroule l’intrigue : Lacanau, Bordeaux et Paris. Des lieux, des villes, des plages touristiques où l’on se croise, mais on ne se regarde pas, on n’est plus attentif à l’autre.
Un regard porté sur la ville et sur toutes les formes d’art qui s’y exprime notamment avec les graphes, les tags, le street art qui fascine Nina.
J’ai particulièrement aimé celui des deux personnages ailés ; mi-anges, mi-gargouille et le sens qu’il prendra lors du dénouement.
« Ces lieux me semblent familiers, pourtant rien ne me semble plus pareil.
Je suis étrangement détachée, comme si tout ceci ne faisait plus partie de ma vie.
Jules occupe mon esprit jour et nuit.
J’ai l’impression d’avoir rencontré mon double.
Mais un double qui m’ouvre les yeux sur la vie et le monde qui nous entoure et nous étouffe.
Avec lui, la pensée n’est jamais immobile.
Questionnements et doutes se mêlent, se confrontent et s’attisent.
Je me rends compte que j’ai vécu jusque-là comme un automate.
Comme tout ceux qui ont accepté le modèle qu’on nous propose.
Courir après le temps, enchaîner les activités, consommer, me désintéresser de l’état du monde, ou tout du moins devenir presque indifférente.
Me suis-je jamais réellement interrogée sur ce que veulent dire aimer et vivre ? «
Pour ce qui est des protagonistes tous m’ont convaincue que cela soit Noah, Élise, Jules, Olivia, Maximilien, Alex, Romane la meilleure amie de Nina. Tous apportent quelque chose à la trame du roman. Ils tissent eux aussi l’histoire de Clément et Nina.
Ils fournissent des touches d’humour, de légèreté et du poids au contexte, grâce à eux les auteurs peuvent aborder les sujets dont je t’ai parlé plus haut.
Ils apportent de la densité au texte.
Mes préférés sont bien sûr Nina et Clément, mais aussi Romane et Jules dont la sensibilité, sa manière de voir et observer la vie m’a beaucoup ému.
Qu’est-il arrivé à Nina ?
Est-elle vivante ou décédée ?
Et si elle est en vie pourquoi est-elle partie ?
Est-ce qu’elle va bien ?
C’est toutes ces réponses que tu auras en lisant ce roman que je te conseille à mille %.
Fonce les yeux fermés !
Il s’adresse à tout public, jeune ou vieux, adolescent ou quarantenaire. (tu vois de qui je parle là lol)
« Un jour, en grandissant, j’ai cessé de croire que je pouvais stopper les vagues et la montée des eaux.
Ce que j’ai fini par comprendre pour le sable, j’ai mis plus de temps à le saisir concernant la vie. »
Un roman qui m’a tenu en haleine du début à la fin, j’ai eu les larmes aux yeux plus d’une fois, j’ai ressenti très fort les sentiments de détresse, de colère, d’incompréhension des personnages. Ce sentiment de ne plus savoir où se trouve réellement sa place dans le monde.
Un monde vaste, mais si petit aussi.
J’ai fini, je te l’avoue, avec les larmes qui coulaient toutes seules.
Une fin que je trouve parfaitement adéquate même si je n’aurais pas dit non à un second tome.
Nina, Jules, Clément et cie vont me manquer.
Quand vient la vague de Manon Fargetton et Jean-Christophe Tixier – roman jeunesse – 288 pages, 15.90€ – Edition Rageot, en librairie le 16 janvier 2018
Eliane Blicq dit
Coucou, superbe chronique, je vais adorer ce roman, gros bisous ????
Carole P dit
Il a l'air vraiment poignant comme roman ! Je ne connais aucun des deux auteurs mais je note !
Rêveuse Eveillée dit
Ohlala déjà que j'étais plutôt curieuse concernant ce roman, ton avis m'a carrement donné envie de me jeter dessus X)
Très belle soirée ❤