J’ai lu ce livre en janvier, plusieurs semaines plus tard j’y pense encore.
Voilà un livre qui est bien plus sombre que la couverture ne laisse présager.
J’ai d’ailleurs mis un trigger warning à la fin de mon avis.
Tu rencontres en premier les plus jeunes des femmes North.
Joan a 10 ans et May a 7 ans au début du récit.
Leur mère, Miriam a quitté leur père et revient vivre avec elles dans sa maison natale à Memphis.
Tu vas ensuite rencontrer August.
La tante des filles et la sœur de Joan.
Leur mère est la première infirmière noire de l’hôpital de Memphis, une militante pour les droits civiques et l’égalité.
Leur père, premier inspecteur noir de la brigade criminelle de Memphis.
Aujourd’hui, ils sont tous deux décédés.
Par des dates clés, des flash-back assez nombreux et qui peuvent peut-être déstabiliser le lecteur, l’auteure explique l’histoire de la famille.
1995, 1978, 1863, 1941, 1945, 1943.
Des dates qui ont touché de près ou de loin la famille North.
La plupart du temps les hommes, mais des malheurs qui ont impacté toute la famille même plusieurs générations plus tard.
Elles sont les femmes North, elles rient longtemps et fort dès qu’elles en ont l’occasion.
Elles rient souvent.
Le rire chasse et cache la tristesse, les souvenirs douloureux, la misère.
C’est un don qui se transmet de génération en génération.
Joan et Mya sont un peu les clones d’August et Miriam.
J’ai trouvé belle la ressemblance qu’il pouvait y avoir entre les femmes North.
Y compris leurs ancêtres.
Elles possèdent tout un talent, qu’elles choisissent d’exploiter ou non. Lesquels ? Je ne t’en dirai rien.
Memphis c’est aussi le racisme.
Hier et aujourd’hui.
Le dédain des blancs prompt à juger trop facilement et souvent mal leurs voisins « niggas ».
Les couleurs de la nature, flamboyante, sont en opposition à la noirceur des thèmes.
J’ai aimé que l’auteure contrebalance les thèmes souvent douloureux à cette nature belle, très fleurie.
Cela apaise un peu les faits très difficiles qui sont relatés, cela te donne à voir Memphis sous un autre angle et puis je dirais que la nature, elle, ne s’embarrasse pas du temps qui passe.
Des soucis ou des tempêtes. De la couleur de peau, de l’âge ou du sexe.
Elle renaît chaque printemps.
Fleuri chaque été.
Que l’on s’en occupe ou non.
L’auteur te montre aussi que même dans les plus jolis jardins, les plus belles des vérandas il peut se passer des choses terribles.
C’est le cycle de la vie, le cycle de la famille North qui t’est narré en parallèle de la description de la nature.
Dans Memphis, il y a :
La chaleur humide, moite et poisseuse que tu perçois fortement.
Tout comme les histoires terrifiantes, les drames qui se jouent ou se sont joués dans cette famille.
Dans cette maison ou aux abords.
Il y a des scènes magnifiques à lire, d’autres terrifiantes.
Le rêve côtoie le cauchemar.
Elle te donne à voir les lieux où se joue son histoire.
Sa plume te donne à visualiser autant le paradis que l’enfer.
J’ai rarement lu des scènes de peu de phrases décrivant aussi profondément un instant.
Beau ou terrible.
J’ai été émue plus d’une fois avec ce livre. Et pas seulement pour les moments difficiles, mais pour les jolis moments.
Memphis, c’est aussi les pleurs et les rires, l’effroi, la beauté d’instant fugace de plusieurs générations de femmes noires.
Leurs douleurs et leurs bonheurs.
Comment une chanson dans un salon de coiffure ou un mariage à la vieille d’une mobilisation peut te mettre les larmes aux yeux d’émotion ?
D’autres scènes te glacent d’effroi.
Vraiment, c’est violent à lire.
Tu te balades entre Beale street et Chelsea avenue, au gré des années qui remontent les racines de l’arbre généalogique de Joan et Mya.
Tu vas entendre Amazing Grace chanté comme tu ne l’auras jamais entendu.
J’ai senti les notes vibrer dans mon cœur.
Il y a aussi des disputes de sœurs, mais avec des confidences et des taquineries qui allègent quelque peu les moments durs de leur vécu.
Joan et May.
August et Myriam.
Mère et fille, tante et nièce se ressemblent beaucoup
.Toutes les filles North se ressemblent d’après une voisine.
Leurs rires pourraient briser une vitre, des rires capables d’aider une famille à tenir malgré tout.
Une cacophonie de joie féminine dans un langage qui n’appartient qu’aux femmes North.
« Je ne savais pas qu’un sourire pouvait être si beau, jusqu’à ce que je voie celui de ma sœur. J’ignorais qu’un sourire pouvait être le soleil lui-même, s’étendant à l’infini et nous réchauffant tous. »
Mya qui bondit sur les meubles comme si chaque chose de la vie était un cheval à enfourcher.
Même la pauvreté. Même l’incertitude.
Joan et sa résilience et son abnégation.
Son incroyable force et son talent forcent l’admiration.
Derek, Joan, August, Della, Hazel.
Des femmes, des sœurs qui ont été confrontées à des terreurs trop grandes pour les affronter seules et pourtant elles l’ont fait.
J’ai adoré August, elle est solaire.
Miriam, j’ai moins adhéré à ce personnage.
August est capable de rendre drôle un moment tragique, n’importe quelle conversation.
Sa sœur, Esr plus grave.
Tu vas découvrir ces choses que les femmes font pour le bien de leurs filles et celles qu’elles ne font pas.
L’accent du Memphis surgit des pages.
Miss Dawn et Stanley l’épicier sont deux personnages secondaires que j’ai adorés.
Memphis c’est :
L’inquiétude de mères, le chagrin des femmes, les regrets et les douleurs
L’amertume, les rêves anéantis ou sacrifiés.
C’est le deuil, la violence, une colère née de la peur, de la rage née de traumatisme.
Memphis c’est aussi :
Un salon de coiffure et des tartes au citron meringuées, James Brown et Anne Bronte, des pacaniers et des belles du sud, des dessins et des chants, une Ford Mustang et une Chevrolet Astro, les gangs et les grands faits historiques de Memphis, Martin Luther king et Elvis.
Des hommes courageux et des hommes vils, le ku kux klan et la ségrégation, une maison rose et une véranda de fleurs, un colibri et un magnolia témoin d’une romance naissante, une robe pleine de paillettes cousues à la main.
L’Irak, le 11 septembre 2001, Nathan Bedford Forrest : un ancien soldat sudiste premier « grand sorcier » du Ku Klux Klan, une courtepointe arbre de vie, Zora Neal Hurston, Hemingway, Faulkner, Jane Austen. La pandémie de grippe asiatique à Chicago en 1957.
Trigger warning : viol
Grâce à son roman, l’auteure rend un vibrant hommage à la culture, aux personnes célèbres ou non qui se sont battues pour leur droit, leur don, leur famille.
Un livre qui raconte à merveille les liens entre sœurs.
De sang ou non.
Un roman coup de poing que je ne suis pas prête à oublier.
Attention, la construction du roman n’est pas classique.
L’écriture est chorale, les changements de périodes sont nombreux et pas toujours chronologiques.
Cela peut nuire à la fluidité.
Pas pour moi, car j’ai été curieuse de connaître toute l’histoire de cette famille, qu’est ce qui a amené Miriam et August là aujourd’hui.
J’étais complètement à l’écoute de l’écriture de l’auteure.
Ce schéma narratif pourrait dérouter, je préfère te prévenir.
Dans la même veine que :
Ma chérie Laurence Peyrin pour le lieu
Ou en film : La couleur pourpre
PRÉSENTATION DE L’ÉDITEUR :
Dans la chaleur étouffante de l’été 1995, après un énième débordement de colère de son père, Joan North trouve refuge avec sa mère et sa jeune soeur dans la majestueuse maison qui a vu les femmes de sa famille grandir. Tapissé de lierre et de chèvrefeuille où nichent colibris, abeilles et papillons, ce verdoyant havre de paix semble raconter sa propre histoire. En poussant la gigantesque porte de bois, Joan sait qu’elle va découvrir d’innombrables fantômes. Celui de son grand-père, lynché après être devenu le premier inspecteur noir de la ville. Celui de sa grand-mère qui, guidée par une rage incandescente, transforma son salon en lieu de rassemblement du mouvement révolutionnaire noir de Memphis. Et sa propre terreur, qui la submerge en même temps que ses souvenirs lorsqu’elle passe le seuil de la véranda.
Confrontée aux tragédies des générations qui l’ont précédée dans cette demeure, Joan devine intimement, du haut de ses dix ans, que la violence n’est jamais loin…
Le portrait bouleversant de trois générations de femmes noires, qui célèbre la complexité de ce qui se transmet au sein d’une famille, d’une communauté et d’une nation tout entière.
✩ Memphis ⟷Tara M. Stringfellow⟷ 368 pages ⟷ Éditions Charleston, le 11 janvier 2023✩
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