Mon cher lecteur, je l’attendais avec tant d’impatience, un nouveau roman de Luca Di Fulvio. Nouveau, chez nous, car il a été publié la première fois en 2015.
Cet auteur provoque toujours chez moi une vive émotion, j’ai l’impression qu’il me donne des conseils de vie, il me pousse à réfléchir sur mes choix. C’est à nouveau un coup de cœur. Après Christmas, après Mercurio c’est Mikael qui m’a ravi le cœur.
Cette fois, il nous emmène en 1407, dans la vallée de Raühnvahl, « une partie de l’arc alpin qui délimite la péninsule italique et la sépare du reste de l’Europe » .
637 pages, 3 parties qui m’auront touchée au plus profond de mon âme.
Bien sûr comme pour « Les enfants de Venise » il faut que tu aimes l’histoire, nous sommes au temps du système féodal, avec des princes tout puissants au détriment de leurs serfs.
« Tu vivras dans le sang, comme moi et tous nos ancêtres, lui avait dit un jour son père le jour du massacre. C’est notre destin, notre fatalité. »
Tu es plongée d’emblée dans l’intrigue dès la première phrase : « jamais autant de sang innocent ne fut versé (…) qu’en ce matin du 21 septembre de l’an de grâce 1407. » Tu vas rencontrer immédiatement le héros du roman, petit garçon de 10 ans Marcus II de Saxe, prince héritier du royaume de Raühnvahl, ce jour changera sa vie à jamais. Il va assister à la mise à mort de ses parents, de sa sœur encore qu’un bébé, de sa gouvernante tant aimée Eilika ainsi que le moindre des serviteurs, nobles. Tous ont été assassinés sur ordre du seigneur d’Ojsternig par Agomar ; un brigand engagé pour accomplir cet horrible carnage juste pour la cupidité.
Marcus perdra tout jusqu’à son prénom et son nom, il ne faut surtout pas que Ojsternig sache qu’il est vivant. La petite Eloisa le retrouve dans sa cachette et avec l’aide de sa mère Agnete elles l’emmènent chez elles en secret dans un petit village non loin du château de son père.
« Ça te va Mikael ? (…) Tu dois changer de nom, dit-elle. Et si ça ne te plaît pas, il ne faudra pas venir protester, parce que c’est ma fille qui te l’a donné. »
Pendant quelque temps, Agnete cachera Mikael dans un réduit sous le plancher ; ce petit garçon qui n’a connu que chaleur, bon repas, vêtements chauds et literie se retrouve dans un trou noir à grelotter pour seul ami un rat (Hubertus) pour manger de la soupe claire et du pain sec. Non pas que Agnete lui souhaite malheur, mais c’est le sort de tous les paysans. C’est la première leçon que Mikael va apprendre, supporter la douleur physique et morale.
« Ce jour-là, dirait-il plus tard, le Bon Dieu semblait s’être retiré de chaque endroit du monde où son regard se posait »
« Dans la journée, quand il était seul, et qu’Agnete et Eloisa travaillaient dans les champs d’orge et de seigle avec les autres serfs, Mikael sentait la peur grandir en lui. Si trop d’images de mort lui venaient, il appuyait sur sa blessure, qui lui faisait mal. La douleur le ramenait sur terre. Comme si, chaque fois qu’il risquait de se perdre, la souffrance lui permettait de se retrouver. »
Voilà le pitch de départ, Marcus le prince est devenu Mikael le serf, seuls Agnete, Eloisa et Raphaël « le vendeur d’enfants » sont au courant de son existence.
Durant la première partie tu vas suivre Mikael mener la dure vie de serf ; la seconde, se consacre plus à te montrer la cruauté de Ojsternig, la 3e Mikael a 16 ans, pour une raison que je ne t’explique pas il va rejoindre les rebelles, il va partir à Constance en Allemagne, là à lieu le procès pour hérésie de Jan Hus.
Les trois parties sont riches en rebondissements et en émotions.
Raphaël va être comme un père pour Mikael, il va lui apprendre à travailler et essayer de le faire à nouveau rêver ; il ne fait plus que des cauchemars, ensuite tu rencontreras son deuxième mentor Volod le noir.
Chacun des protagonistes importants dans la vie de Mikael vont lui apprendre des leçons de la vie, et ils m’ont aussi apporté tout autant à moi, lectrice.
Raphaël, qui lui dira de couper les fils de la peur que la seule vérité qui existe est celle qui trouve un écho en toi, celle qui résonne en toi dans ton cœur ; Agnete, que l’apparence compte plus que l’intérieur pour la majorité des gens, mais que c’est ce que tu es dans ton cœur qui fait de toi un homme ; Volod ; lui fera comprendre ce que veut dire la liberté, avoir une raison de vivre, que chaque blessure reçue, chaque cicatrice racontent ton histoire, qu’il faut être ce que l’on est et non pas ce que l’on voudrait être. Plus tard, il rencontrera Berni à Constance qui lui apprendra une chose essentielle, mais oubliée depuis tant d’années par Mikael : rire
Luca di Fulvio a ce talent de créer des personnages forts, mais imparfaits.
Mikael est un antihéros, mais pas pour moi, il a un cœur noble, il veut faire ce qui est juste, il voudrait que tous les serfs soient libres de décider de leur vie et ne plus être traités comme du vulgaire bétail. Il considéra même son destin comme une chance, sans cela il n’aura jamais connu « son » peuple.
Mikael il y a tant à dire sur l’homme qu’il est devenu, mais s’il est devenu cet homme c’est grâce aux personnes qu’il va rencontrer comme Eloisa, dès le départ entre ces deux enfants il y a une belle alchimie, Eloisa prendra sa défense contre les garçons du village et surtout de Eberwolf. Agnete, la sage femme de la vallée ; elle élève Mikael et Eloisa à la dure, elle refuse qu’ils soient brisés par la vie, si tu vas par moment la trouver sans cœur tu verras que cette femme a en fait très peur de s’attacher au gamin comme elle l’appelle ; ayant déjà perdu un fils juste prononcer son prénom cela voudrait dire s’attacher. Pourtant elle est fière de lui ; enfant, il a résisté aux brimades, aux coups durs, au travail pénible. Il fera, aussi jeune qu’il est, tout ce qu’il peut pour aider les gens qui l’entourent, comme il sauvera plus tard Emöke « la folle » parce que c’est ce qui était juste. Emöke qui deviendra par après son ange gardien. Un personnage incroyable et fort.
Raphaël, qui vit reculé de tout, cache un passé que peu de personnes connaissent, mais c’est devenu un homme bon, réfléchi ; un appui solide pour Mikael, qui trouvera toujours un lieu où se réfugier quand la douleur se fera trop forte.
Il va surtout lui apprendre que la vengeance et la haine laissent un goût amer en bouche, mais qu’il existe quelque chose de beaucoup plus doux comme l’amour.
Volod lui donnera une raison de vivre ; il lui apprendra ce que veut dire la liberté, c’est la seconde intrigue qui court tout au long du roman, Volod comme Robin des bois, ils volent avec les autres rebelles pour redistribuer avec justesse. Chacun d’eux ont l’air parfait, mais ce n’est pas le cas ; tous taisent leurs blessures psychologiques. Mikael,à sa manière les aidera, parfois par sa présence ; parfois pour la cause qu’il va épouser.
Mikael le soleil. Mikael, mon soleil.
« Ils en parlent comme d’un héros. Et tu sais pourquoi ? Il ne nous a pas seulement sauvés, nous tous…il a montré qu’on peut essayer de briser nos chaînes…qu’on peut soutenir le regard des puissants…qu’on n’a pas toujours besoin de courber l’échine…Je crois qu’il a planté une graine qui germera, tôt ou tard. L’espoir. »
Comment te dire que tous vont me manquer ?
Je t’ai parlé des gens importants dans la vie de Mikael, mais deux autres personnes le poursuivront dans ses pires cauchemars : Agomar et Ojsternig.
Dans chacun des romans de Luca di Fulvio, les méchants sont tous aussi inoubliables que les « gentils » Ojsternig est un monstre sans cœur, viols, inceste, assassinats, pendaisons pour son plaisir du dimanche. Un être complètement ravagé par la haine, il n’a jamais su aimer, ou quand il sera trop tard pour lui. Il considère l’amour, la pitié comme une faiblesse.
En tuant le père de Mikael, il a annexé son royaume au sien, il règne en terreur sur ses terres, taxant de plus en plus fort les serfs, faisant travailler de plus en plus durement ses mineurs, infligeant punitions, flagellations, pendaisons pour un oui ou un non ou juste pour espérer capturer ces rebelles.
Agomar n’est qu’un lâche, sournois, il va là où cela peut lui rapporter de l’argent.
Les thèmes du roman sont variés et nombreux.
Le plus important pour moi étant cette leçon sur la liberté et la raison de vivre. Qu’un homme seul ne peut briser les chaînes du maître, mais qu’ensemble on peut y arriver. Ils peuvent se libérer du joug de l’oppresseur.
Mikael sera un unificateur pour tous ces gens.
Que te dire de l’écriture si ce n’est que c’est toujours aussi addictif ?
N’aie pas peur du nombre de pages ; aucune n’est de trop, une écriture visuelle, cinématographique qui te fait acteur du roman.
Les descriptions historiques sont intéressantes, jamais barbantes, ni trop importantes.
Il te parlera par exemple du moment où deux papes se disputent la papauté, le schisme de l’église, Benoit XIII, pape d’Avignon et Grégoire XII de Rome.
Des faits historiques, mais aussi, la vie courante, l’hygiène, le manque de nourriture des serfs et l’opulence des seigneurs et ecclésiastiques, la disette et la mort qui côtoie les gens de si près à cette époque.
Dans ce roman, il y a plus de nature que dans les précédents, tu grimperas avec Mikael les montagnes, tu observeras les champignons, les animaux ; biches et cerfs ; loups, que la nature est belle, mais déjà à ce moment détruite par les hommes qui abattaient les arbres, dépeuplant les forêts, des vallées entières.
Des passages sont très durs à lire, l’auteur ne t’épargne aucun service, aucune bataille, j’ai eu le cœur serré de nombreuses fois, mais tu as aussi des moments plus légers, et heureusement, avec une très belle romance qui ne prendra jamais trop de place dans l’intrigue.
Des moments de rire et de complicité entre les protagonistes ; les taquineries de Eloisa envers Mickael sont pleines de tendresse, derrière ses insultes se cachent des mots qu’elle ne veut pas prononcer.
L’amour profond que voue Mikael à Agnete, Eloisa, Raphaël et Volod.
Le point commun des trois romans qui pourtant se passent à des époques différentes est la réalité de la vie qui ne fait pas de cadeau, chacun de ses héros principaux sont des enfants qui très tôt ont été touché par le malheur.
L’autre point commun est cette définition de la liberté. Liberté d’être, de parler, de penser. Que veut dire pour toi la liberté ? et enfin l’amour, le vrai, celui avec un grand A.
Je pourrais comme mes avis précédents sur les romans de l’auteur te parler des heures et des heures de ce fantastique livre, une écriture profonde, qui te marque, qui te remue les tripes, qui te coupe le souffle, qui te fait couler les larmes, mais aussi, qui te réchauffe le cœur, qui te montre ce qu’est le vrai amour et le respect, ce qu’est la tolérance, l’empathie et l’humanité, qu’aussi peu que tu aies, tu as beaucoup à offrir, que tendre la main à son prochain ne pourra que t’apporter de la chaleur et du réconfort, des valeurs qui, hélas, sont très souvent bâclées ou oubliées à notre époque. Que la capacité de pardonner, de se pardonner est difficile, mais pas impossible.
Celui-ci a eu une consonance plus forte par rapport à ma vie personnelle et les introspections qu’il m’a fait réaliser.
Chacune de ses phrases, chacun de ses mots me touche très profondément.
Un roman qui te rend plus riche, plus sage que tu n’étais avant de le lire, il est aussi beau qu’il est dur. Il te narre la vie, plus tu tombes plus, tu te relèveras, et toujours tu grimperas d’une marche plus haute.
Tu l’as compris, je crois, je suis complètement fan de l’auteur, je n’ai pas du tout été déçue par ce 3e titre.
C’est toujours un peu la crainte quand tu as aimé tellement fort des livres précédents, je garde quand même une tendresse très particulière pour « Le gang des rêves », un roman que je compte relire cette année, c’est par lui que j’ai découvert ce formidable auteur au talent incommensurable.
Mais, chacun de ses écrits a surpassé l’autre ; ils sont tous les trois des coups de cœur, ils sont tous les trois dans ma vie et ne me quitteront jamais.
Je ne peux que te le conseiller, à lire si les périodes historiques ne te font pas peur.
Hommes et femmes trouveront leur compte dans ce livre.
Mikael, un jeune garçon de 10 ans que tu vas regarder devenir un homme en titubant, trébuchant, en se blessant, mais se relevant à chaque fois, un homme qui revivra sa naissance à la vie de plusieurs manières. Tu découvriras un vrai chevalier aux valeurs nobles et essentielles qui ne pourra que t’émouvoir comme pour « le gang des rêves », faites passer le message, parlez-en, hissez les oriflammes, montez sur vos chevaux et venez me rejoindre dans la vallée de Raühnvahl.
LIS LUCA DI FULVIO CONSEIL DE SOURIS !!!
Mon avis sur Les enfants de Venise ici
Le soleil des rebelles de Luca Di Fulvio – traduction de Françoise Brun – roman historique – 638 pages, 23€ – Édition Slatkine & cie, en librairie le 5 avril 2018
0
Popcorn Gibberish dit
J'ai Le gang des rêves dans ma PAL et j'ai hâte de le découvrir !
Eliane Blicq dit
Je ne connais pas l'auteur, mais au vu de ta chronique, je pense qu'il va se retrouver dans ma liste. Bonne journée, bisous ????
Maks G dit
Très bonne chronique, pareil que toi j'avais un peu peur de le lire vu la qualité des deux autres titres de Di Fulvio et au final c'est un coup de cœur et les 3 sont complémentaires !