PRÉSENTATION DE L’ÉDITEUR :
Meurtres en Alabama.
Birmingham, Alabama, 1963. Le corps sans vie d’une fillette noire est retrouvé. La police s’en préoccupe de loin. Mais voilà que d’autres petites filles noires disparaissent…
Bud Larkin, détective privé bougon, alcoolique et raciste, accepte d’enquêter pour le père de la première victime.
Adela Cobb, femme de ménage noire, jeune veuve et mère de famille, s’interroge : « Les petites filles, ça disparaît pas comme ça… »
Deux êtres que tout oppose. A priori.
Sous des airs de polar américain, Alabama 1963 est avant tout une plongée captivante dans les États-Unis des années 1960, sur fond de ségrégation, de Ku Klux Klan et d’assassinat de Kennedy.
Bud Larkin est un ancien policier, viré depuis « l’affaire », il s’est reconverti.
Il travaille maintenant en tant que détective.
Un homme alcoolique, les clients ne se bousculent pas à sa porte.
Sa vie est sur le point de changer quand des parents afro-américains demandent à l’engager pour les aider à retrouver leur fille qui a disparu depuis près de 10 jours.
Adela, femme de ménage, accomplit ses tâches comme tous les jours dans le quartier blanc jusqu’au jour où elle se fait renvoyer parce que son plus jeune fils, qu’elle avait emmené avec elle, a osé jouer avec une petite fille blanche.
Ce jour-là, sa vie aussi va prendre un autre chemin.
Les routes de Bud et Adela vont se croiser.
Une blague des copains de Bud au départ qui va, en fait, prendre beaucoup de sérieux.
Les auteurs dressent un portrait de l’Alabama en 1963, peu de temps avant la marche sur Washington pour les droits civiques.
Birmingham, la ville où se déroule le livre, est une poudrière, les écoles commencent à ouvrir leurs portes à tous les enfants et étudiants ce qui n’est pas du goût des habitants, la plupart étant des racistes notoires et qui ne s’en cachent pas.
Même au sein des rangs des forces de l’ordre il y en a.
Bud, lui aussi l’est.
Avec ses amis Walt et Edwin, les blagues sur les « nègres » fusent.
Au début du roman, jusqu’à une bonne moitié ce personnage est complètement antipathique.
Colérique, malpoli, raciste, grincheux, il n’avait rien pour me convaincre, mais les auteurs par ce personnage et celui d’Adela vont montrer que tout le monde a ses meurtrissures, peu importe la couleur de la peau.
Ils montrent que nous pouvons surmonter les préjugés et nos certitudes.
Adela et Bud offrent une belle leçon de vie, de celles qui font avancer les mentalités.
Ça, c’est pour l’ambiance du roman. Parlons maintenant de l’intrigue.
L’enquête de Bud et des policiers.
Du côté de la police, la disparition d’une fillette noire n’est pas du tout importante, que le maïs d’un champ n’ait pas été coupé par contre oui.
Même si les disparitions augmentent et que des corps sont retrouvés l’urgence ne se fait pas ressentir.
On a affaire à des parents démunis, désœuvrés, malheureux et abandonnés de tous sauf de Bud et de Adela.
Ludovic Manchette et Christian Niemec te donnent à lire un roman terriblement addictif.
Ils brouillent les pistes à merveille.
J’ai eu quantité de suspects en tête sans jamais élucider l’énigme.
L’action est constante, le rythme soutenu et maintenu grâce aux personnages et à la reconstitution de l’ambiance de l’époque.
Tant au niveau vocabulaire, qu’au niveau politique ou culturel.
Une écriture à 4 mains qui est très visuelle, fluide et aérée.
L’humour présent allège quelque peu les scènes plus sordides, non pas qu’il y ait force détails sur les meurtres et sévices, mais l’ambiance nauséabonde de racisme pèse lourdement.
Les auteurs te montrent l’incongruité des lois comme des blanchisseries pour les gens de couleurs et d’autres pour les blancs, de même que les parcs.
Ils te rappellent les grands faits historiques de cette année-là comme le discours de Martin Luther King ou l’assassinat de JFK
Adela pleine de repartie et de verbes, des expressions souvent comiques, mais pleines de bon sens hélas elle n’a pas le loisir de les dire partout où elle se rend.
Déterminée aussi même quand elle est profondément humiliée.
Déterminée à nourrir sa famille même quand les femmes pour qui elle travaille sont pleines de condescendance, de méchanceté, mais aussi pour dieu.
Même si sa communauté la rejette elle continue à prier tous les dimanches.
Bud et Adela sont tous deux mal jugés par leur communauté au fur et à mesure qu’ils créent des liens.
Une solidarité improbable et pas vue d’un bon œil par les gens et par le Klan.
Outre les personnages principaux, j’ai adoré Gloria, une vieille dame farfelue quoique…, mais tellement attachante et Shirley qui arrive vers la fin, mais montre que les préjugés ne valent pas uniquement pour la couleur de peau.
Un roman qui est parfois même souvent monstrueux à lire pas uniquement pour les meurtres des gamines, mais aussi à cause des lois où un chien a le droit d’aller partout où il le désire, mais pas un Afro-Américain
Les auteurs dressent un portrait du Sud profond des États-Unis où les communautés n’ont rien d’uni, ou c’est le
respect des convenances qui prime.
L’évolution des mœurs a la vie dure même si la déségrégation est en marche.
Chacun reste à sa place dans son quartier.
Il manquait un peu de piment pour relever la sauce qui a malgré tout très bien pris, elle aurait pu être un délice ; voire extraordinaire, car elle en a le potentiel.
Une fiction sous fond de ségrégation qui remplit son rôle de te faire tout oublier durant quelques heures
Je verrai bien le roman adapté en film avec Whoopi Goldberg dans le rôle de Adela et Clint Eastwood dans le rôle de Bud.
D’ailleurs, pour moi, j’ai eu l’impression de lire un scénario, avec le déroulement des faits et des dialogues, plus qu’un roman, mais ce point ne m’a pas dérangé.
Dans Alabama 1963 il y a Be my baby des Ronettes, Bing Crosby, Dick Tracy, Harry Bellafonte, Paul Newman, Sidney Poitier, Joan Baez, Bob Dylan, un bongo, thanksgiving, un cheese-cake, Medgar Evers, militant noir américain assassiné le 12 juin 1963 par un suprémaciste blanc, l’assassinat de JFK, la marche pour la paix
✩ Alabama 1963 ⟷ Ludovic Manchette & Christian Niemiec ⟷ 384 pages ⟷ Cherche Midi Editeur, le 20 août 2020 ✩
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