« Le froid arriva. Et puis le froid s’installa à jamais. »
Montréal.
« On est tous brisés, quoique chacun à un endroit différent. »
Un coup de téléphone.
Un silence tendu a relié Jack aux mille cent kilomètres qui le séparent de son passé.
« Le passé est un pays qui a sa langue à lui, une langue que la plupart apprennent à oublier. Les mots de cette langue sont comme des chansons apprises par cœur. Au moindre rappel, elles reviennent et la mélodie est aussi familière, aussi obsédante que jamais. »
Jasperville.
C’est le sang qui le lie à ce lieu.
Sa famille.
Son frère qui a besoin de lui.
Il avait 12 ans la dernière fois que Jack l’a vu.
En 1984.
Il y a 26 ans de cela.
26 ans qu’il est parti avec ses questions.
« Malgré tous les efforts pour accueillir le moment présent, le passé les aspirait tel un tourbillon, sans jamais desserrer son étreinte. »
Souvenir après souvenir
Instant après instant, tu apprends les raisons que Jack a eues de fuir ainsi que ses raisons de revenir sur les lieux de son enfance.
Le climat est impitoyable, âpre.
Le paysage morne, menaçant à l’image de l’intrigue.
Un lieu sinistre qui ne donne pas envie de rester.
Il n’y a rien d’accueillant.
Tout est trop. Trop dur. Trop froid. Trop désolé pour être apprivoisé. Accueilli.
Un lieu qui est une invitation à la peur.
Tu as la sensation permanente et omniprésente, qu’un être dangereux est dehors à t’observer.
L’impression que dans cet endroit il ne fait jamais jour.
Une nuit constante.
L’obscurité.
Les ombres.
Une saison pour les ombres c’est la culpabilité, le poids sur les épaules, les devoirs et les responsabilités d’une mère, d’une fille ou d’un frère envers sa famille.
C’est une promesse non tenue.
Un amour interdit par la société.
Une vieille légende.
C’est aussi la violence qui s’installe insidieusement dans un foyer.
Plus les saisons avancent vers l’hiver, plus la violence prend ses quartiers dans cette maison.
Jasperville c’est une prison à ciel ouvert et une autre faite de béton et de barreau en acier.
Tu trouveras aussi une prison mentale peut-être pire, bien plus blindée que les autres, car il n’y a aucun moyen de s’évader.
De se libérer des chaînes du passé.
Si dans ce roman on plonge dans les mines de Jasperville, on plonge aussi dans l’âme d’un homme.
On plonge dans l’abîme
Y a-t-il une lumière au fond du puits ?
Oui, déjà ne serait-ce que par la sublime écriture de RJ Ellory.
Il te donne à vivre chaque instant de son héros.
Aujourd’hui et 26 ans plus tôt.
Il te décrit les lieux, tu sens le froid pénétrer tes os tout comme le profond désespoir des habitants
Tu ressens tout, et ce en très peu de mots.
RJ Ellory comme son héros, Jack n’a pas besoin du tout d’écrire beaucoup pour faire ressentir mille et un sentiments.
Pour faire faillir la lumière au milieu de cette atmosphère sombre.
La lumière c’est lui.
C’est son écriture.
Tu t’en délectes, tu savoures chaque description, car rien ne dénote et que surtout tu ne veux manquer aucun des indices pour résoudre cette énigme.
Des phrases qui font écho en toi, car ce roman est comme son auteur profondément humain.
C’est la psyché de l’homme qui est explorée
En un paragraphe, j’ai tout oublié pour débarquer à Jasperville et assister à ces évènements marquants qui semblent inéluctables.
Cette faculté d’arrimer le lecteur jusqu’au point final, RJ Ellory le maîtrise totalement. Et même quand tu penses avoir le fin de l’histoire, tu n’as pas encore tourné la page qui va te laisser sans voix et pensive.
J’ai aimé les clins d’œil à plusieurs personnes, mais surtout à Yvan, ma référence en matière de roman noir 🙂 si tu ne le connais pas encore, cela m’étonnerait, son blog est ici : clique
Yvan, si tu me lis, sache qu’une petite souris ne manque aucun de tes articles.
J’ai tout aimé dans ce roman, j’aurais aimé consoler certains des personnages, dire à d’autres que leurs prénoms ne seraient pas oubliés, certains je les hais, mais surtout je voudrais pouvoir dire à d’autres que je leur pardonnais.
Un prédateur comme une ombre que personne n’a jamais vue, mais dont tout le monde a peur.
Des meurtres tabous.
À chaque pas des souvenirs qui reviennent.
Un néant lugubre et sans relief.
L’hiver glacial. La sensation de froid, l’obscurité qui n’en finit pas.
Jack, un homme à la parole rare, mais qui dit exactement ce qu’il veut dire, un héros que j’ai adoré et qui me reste en tête.
J’espère ville
Jasperville
Ou Despairville ?
RJ Ellory esquisse chaque lieu, chaque personnage.
Chaque action.
Chaque émotion.
Il te faudra attendre que la toile que se colorise pour pouvoir comprendre tout ce qui se joue entre ces pages.
Un tableau sombre, des ombres au propre comme au figuré, mais une superbe fresque et un livre qui m’auront marqué.
Les lieux où se déroule l’intrigue ont une présence palpable.
Très forte.
Comme si les montagnes, les congères, les hauts fourneaux, la pension ou le magasin général ne voulaient pas que tu fasses la lumière sur ce qui s’y déroule.
Surtout les monts Torngat, tu as cette impression de toute-puissance.
D’écrasement.
D’être observé.
Scruté.
Jasperville garde ses secrets, il te faudra un moment avant qu’elle ne daigne lever le voile qui l’obscurcit pour que tu fasses la lumière sur ce qui s’y déroule.
Et encore, ce ne sera au départ peut-être qu’un rai de lumière qui éclairera un pan avant de te montrer toute la vérité quand tu seras prêt à la voir.
À la recevoir.
Jasperville se sent à l’abri des regards indiscrets.
Il y a une lumière au bout du tunnel, mais ce tunnel il fait 397 pages
« On est soi-même, mais on porte en soi les fantômes de tous ceux qu’on aurait pu devenir. »
Jasperville
J’espère ville
Despairville
« La plupart des gens passent leur vie à poursuivre un but qu’ils ne comprennent pas et qu’il ne reconnaîtraient pas de toute façon. Les autres ne font que fuir quelque chose qu’ils portent en eux. »
La saison des ombres, c’est aussi la rédemption en tout cas dans sa quête, c’est un flot d’émotion que tu reçois à certains passages.
Une tension qui est omniprésente de bout en bout.
Des protagonistes émotionnellement brisés pour diverses raisons.
C’est la réalité qui finit toujours par rattraper même quand on fuit loin.
C’est affronter ses actes, ses peurs, ses défauts. C’est une aussi une histoire de trahisons, de fausses promesses et de mensonges.
C’est la culpabilité et l’espoir.
C’est toute une histoire familiale ensevelie dans le chagrin et la douleur.
Tout avait commencé à Jasperville. Peut-être que tout se terminerait là-bas également.
Pour mon avis tout personnel, je le classe parmi les plus beaux romans de RJ Ellory, il m’a autant marqué que seul le silence, ou que le chant de l’assassin qui est, un mon préféré, mon avis est ici : clique
PRÉSENTATION DE L’ÉDITEUR :
Nord-est du Canada, 1972. Dans cette région glaciale, balayée par les vents, où l’hiver dure huit mois, la petite communauté de Jasperville survit grâce au travail dans les mines d’acier. Les conditions de vie y sont difficiles. Au-delà du village, il n’y a rien. Juste une nature hostile, quelques ours, des loups. Aussi quand le corps d’une adolescente du village est découvert aux abords de la forêt, la gravité des blessures laisse supposer qu’elle a été victime d’une bête sauvage. Ce sera en tout cas la version officielle. Et tout le monde prie pour qu’elle soit vraie. Mais, quelques temps plus tard, le corps d’une autre jeune fille est retrouvé.
Montréal, 2011. Le passé que Jack Deveraux croyait avoir laissé derrière lui le frappe de plein fouet lorsqu’il reçoit un appel de Jasperville. Son jeune frère, Calvis, est en garde-à-vue pour tentative de meurtre. De retour sur les lieux de cette enfance, qu’il a tout fait pour oublier, Jack découvre qu’au fil des années, l’assassin a continué à frapper. L’aîné des Deveraux comprend alors que la seule façon de mettre fin à cette histoire tragique est de se répondre à certaines questions, parfois très personnelles. Mais beaucoup, à Jasperville, préfèrent voir durer le mensonge qu’affronter la vérité.
✩ Une saison pour les ombres ⟷ RJ Ellory ⟷ 408 pages ⟷ Éditions Sonatine, le 5 janvier 2023✩
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Yvan dit
Magnifique ressenti, superbe chronique pour un livre qui marque ! Tes mots touchent au cœur, avec ta manière si personnelle d’écrire, si forte et remuante.
Et merci pour le petit clin d’œil et tes gentils mots 🙂
Souris dit
Des mots de toi c’est toujours un cadeau pour moi, merci beaucoup <3
Yvan dit
c’est toujours un plaisir de venir te voir 😉